Cet été, scène inédite, des vautours par dizaines ont été vus dans les Alpes du Nord. D’abord confondus avec leurs cousins gypaètes, leur afflux en masse a d’abord effrayé. Des bergers du Haut-Giffre, peu habitués à croiser ces nouveaux visiteurs, ont un peu fantasmé sur le comportement de ces charognards volants. Certains observateurs relatant des attaques des vautours sur le bétail… Et pourtant, ces grands oiseaux ne sont pas des oiseaux de proie. Ce sont juste des nettoyeurs. Leur principal stimulus, c’est l’immobilité des animaux morts ou vifs, au contraire de la plupart des animaux – des prédateurs notamment – stimulés par le mouvement de ce qui pourrait être une proie !
D’après Christian Couloumy, ancien responsable au Parc national des Écrins et auteur de Rapaces entre ciel et terre, les vautours, en éliminant les carcasses d’animaux morts, jouent un rôle important contre la disséminations des maladies. Ils sont un peu le service d’assainissement qu’aucune organisation humaine ne sait rendre !

photo : école du Fréney d’Oisans
Bien loin des Alpes, la population des vautours a fortement chuté à la fin des années 1990, frôlant par endroits l’extinction. En Inde certains vautours, autrefois présents par millions, ont vu leur population divisée par mille. Ces rapaces ont un rôle majeur puisque dans la culture hindoue, les vaches sont sacrées et donc finissent très rarement dans les assiettes ! Les cadavres de ces animaux d’élevage finissent à l’air libre.
En cause dans cette hécatombe, le traitement du bétail au diclofénac, un anti-inflammatoire utilisé en médecine humaine mais également par les vétérinaires. Les vautours ne survivent pas dès lors qu’ils mangent la chair d’un animal traité au diclofénac juste avant sa mort.
Incroyable illustration de nos pratiques « d’apprentis sorciers ». Ainsi la chute brutale des populations de charognards à plumes aurait fortement favorisé d’une part la contamination des eaux et d’autre part la contamination directe des populations locales, avec les chiens errants comme principaux vecteurs de maladies comme la rage ou la peste ! Les conséquences environnementales et économiques sont lourdes.
Entre temps, des recherches ont montré que les sucs digestifs du vautour sont nettement plus puissants que ceux d’autres charognards (chien ou rat en particulier). Eux seuls savaient éliminer ou du moins fortement limiter certaines souches virales ou bactériennes. Heureusement, on a fini par comprendre la vraie valeur de ces oiseaux à l’apparence ingrate. Les pratiques vétérinaires, notamment en Inde, ont été modifiées pour le bien de tous, animaux et hommes inclus !
Laurent