D’après l’association Ars Industrialis : « depuis la seconde moitié du XXe siècle la question n’est plus de contrôler la population comme machine de production (biopouvoir), mais de contrôler et de fabriquer des motivations comme machine de consommation (psychopouvoir). L’époque du psychopouvoir est une époque de captation industrielle de l’attention. » Le psychopouvoir aurait pris son envol parallèlement au développement du Fordisme et du capitalisme utilitariste.
En 1917, alors que l’Europe s’étripait dans la Grande Guerre, le Département d’Etat Américain demanda à Edward Bernays, neveu de Sigmund Freud, de se pencher sur des moyens de manipuler les foules afin de les faire adhérer à l’idée d’entrer en guerre. Le principe de base fut de s’adresser prioritairement à l’inconscient plutôt qu’à la conscience des gens. C’est ainsi qu’apparurent les public relations, comme technique imparable de captation du désir.

Au départ, le désir diffère la satisfaction de la pulsion, laquelle se veut immédiate. Mais en captant les désirs, habituellement orientés autour de la structure familiale, des relations professionnelles, Bernays allait ouvrir la voie à ce qu’on nomme aujourd’hui le marketing. En effet, les désirs allaient être redirigés vers les marchandises. Pour le plus grand bonheur des entreprises, pourvoyeuses de toujours plus de produits et de services associés…
D’après Bernard Stiegler, le psychopouvoir pose les bases d’une « économie libidinale consumériste ». On associe fréquemment ce psychopouvoir et les médias, outil d’asservissement des masses. En détournant l’attention des foules, il place des millions de récepteurs passifs en mode régressif. Dans les faits, les principaux médias passent le plus clair de leur temps à matraquer leur cible de messages publicitaires. Et entre chaque vague publicitaire, le PAF est inondé d’informations en boucle et de contenus violents et/ou régressifs (jeu télévisés, sarcasmes en série, téléréalité, etc.)
« La propagande est à la démocratie ce que la violence est à un État totalitaire », disait Noam Chomsky. En 1928, le neveu de Freud publiait « Propaganda », un guide pratique de la manipulation mentale. Aujourd’hui, comme nos désirs sont fatigués, le psychopouvoir accélère la cadence, ce qui nuit à l’efficacité globale du système : usure psychique, en mode burn out, perte de confiance du consommateur-citoyen – ou ce qu’il en reste ! Sans parler de l’état de santé de la démocratie et de la planète. Le psychopouvoir a-t-il terminé de scier la branche sur laquelle il s’était installé ?
Laurent