Le monde de la recherche scientifique obéit aux lois de la concurrence internationale. Ainsi, chaque laboratoire, chaque chercheur, doit-il passer un temps de plus en plus conséquent à d’une part effectuer des tâches administratives pesantes, au détriment de la recherche elle-même et, d’autre part, à justifier sa raison d’être par toujours plus de nouveaux projets scientifiques. Or, la monétarisation de la science oblige chaque laboratoire à aller quémander des sous pour mener à bien ses travaux.
D’après le politologue Marc Audétat, interviewé par Olivier Dessibourg dans Le Temps : « Il faut rappeler que promesses et visions ont toujours été présentes dans le travail des sciences modernes. Or on pense qu’elles se contentent d’accompagner le travail scientifique. En fait, elles font bien plus, en ayant un rôle d’orientation et de coordination des efforts de recherche. En ce sens, elles façonnent les sciences et les techniques. Cela dit, la production de promesses a augmenté en raison de la compétition toujours plus dure pour capter les fonds, des ruptures technologiques qu’elles annoncent, de la croissance des services de communication, de la multiplication des analystes industriels qui répondent à la demande du capital risque. Enfin, la circulation des promesses est devenue massive avec l’Internet et l’implication d’acteurs de toute sorte. »

La rhétorique de la promesse consiste à promettre quelque chose avant même d’avoir le début du commencement de la preuve que l’on va trouver ce moyen, grâce à la science, d’améliorer le fonctionnement de telle ou telle discipline. Ainsi de nombreux chercheurs se sont enflammés dans la recherche de traces de vie extraterrestre, tandis que d’autres se sont enflammés dans la recherche médicale pour des thérapies individualisées. D’autres, encore, promettent monts et merveilles à qui soutiendra financièrement leurs recherches en direction du transhumanisme, à cheval entre biologie, nanotechnologies et technologies de l’information.
La rhétorique de la promesse n’est pas uniquement le fait de scientifiques engagés dans une course à l’échalote financière. Elle est aussi très présente, naturellement, chez les pros de la parlotte, les hommes et les femmes politiques. Puisque plus personne ne se donne la peine d’effectuer un bilan critique factuel, un contrôle qualité des décisions politiques, alors seule la promesse, cette fuite en avant du discours, semble compter. D’où peut-être la longue série de désastres électoraux, en France comme un peu partout ailleurs, là où règne la démocratie sans discussion, le grand bal des egos. L’art de ne pas tenir ses promesses est un sport de haut niveau, mais une discipline à haut risque, à la longue, pour l’intérêt général.
Laurent