En 2013, François Lenglet, annonçait, un brin provocateur, La fin de la mondialisation.
Il expliquait qu’au-delà des variations naturelles des cycles économiques, des pics de libéralisation des échanges internationaux et des creux de protectionnisme et de repli sur soi, il fallait s’attendre à un opposition à la poursuite de la mondialisation telle qu’on l’avait connue dans les années 1990.
Exit, la mondialisation heureuse ?
C’est qu’on l’avait trouvée cool – trop cool, même – la mondialisation. Sympa cette grande cour de récré, ce village global dans lequel on serait tous des frères. Et tant pis pour les délocalisations à la schlague, le dumping social et fiscal, les trafics en tout genre…
On avait tous souscrit, ou accepté silencieusement, la promesse du rêve interculturel façon Benetton ou plutôt… United Colors of Globalization. L’effacement des frontières avait du bon. Un progrès évident ! En Europe, l’espace Schengen sentait bon la liberté. Portes et fenêtres grandes ouvertes, un grand appel d’air nous envoûtait. Mais quand on n’a pas envie de voir quelque chose, on peine à regarder ailleurs…
C’était sans compter sur l’émergence du terrorisme, des crises migratoires (le commerce n’ayant pas mis fin aux tensions internationales ni aux guerres) et environnementales. La politique ayant toujours un temps de retard, la vague protectionniste et sécuritaire a fini par s’exprimer dans les urnes. Brésil, États-Unis, Italie, Pologne, Grande Bretagne. Mais aussi en France, avec le FN s’invitant au 2ème tour…
Que les résultats électoraux soient sincères ou non, admettons que ça a commencé à sérieusement sentir le roussi pour la mondialisation. Et pour ces machins sensés gérer l’affaire (OMC, Union européenne, G20, etc.). Quelle crédibilité entre les institutions et le peuple ?
Alors que le coronavirus n’a fait que quelques centaines de victimes réelles, alors que nombreuses sont les critiques ou les moqueries des comportements irrationnels, en mode panique, la plupart des esprits équilibrés doivent simplement s’interroger sur une question et une seule : « comment va-t-on gérer cette crise ? » Au plan général, disons national, la question est sanitaire, sécuritaire et, surtout, économique. Quel sera le prix à payer ? Combien de dette en plus ? Combien de défaillances d’entreprises ? Combien de chômeurs en plus ?
Tout un chacun formule ses peurs, ses craintes, pour mieux les exorciser. Au fond, une seule demande, un seul espoir : qu’on en finisse au plus vite. L’espoir d’un simple retour à la normale… Ces réactions sont naturelles et légitimes. Mais d’autres s’interrogent en mode « plus rien ne sera comme avant ».
Car si une crise implique normalement un retour à la normale, rien ne garantit que ce soit le cas aujourd’hui. Il y a eu un avant et un après chute du Mur de Berlin. Un avant et un après 11 septembre 2001. Un avant et un après crise des subprimes de 2008. Les marchés financiers s’attendaient à un nouveau choc, mais dans une vision à somme nulle (les pertes d’aujourd’hui seront annulées par les profits de demain).
Or la réalité du monde, de sa fragilité comme de sa finitude, s’ouvre à nous tous de plus en plus. L’autisme planétaire touche à sa fin. Le vieux bouquin de Ricardo – sur la nécessaire spécialisation des économies et les avantages concurrentiels des nations – est élimé. Ricardo était agent de change assez peu curieux de la finitude du monde. Il faut dire qu’il l’a écrit dans une Angleterre en pleine révolution industrielle. Le libre échange est ensuite devenu une idéologie prisée par les élites, partout dans le monde. Une religion.
Si François Lenglet avait écrit à cette période, l’aurait-il décemment intitulé La fin de la mondialisation ? Probablement pas, il aurait été pris par cette vague d’enthousiasme et de progrès.
Mais aujourd’hui, alors qu’on s’attend à une quarantaine de la consommation mondiale, qui osera, à voix haute, demander d’interdire la mondialisation ? Certainement pas les dirigeants de l’OMC ou du FMI. Ni même les invités du G20, taxés de « criminels du climat » par Maxime Combes, l’auteur de Sortons de l’âge des fossiles.
Laurent