Kanner et Asperger sont deux sommités de la recherche de ce qu’il est convenu d’appeler l’autisme. Leo Kanner, en 1943, a privilégié une définition étroite de l’autisme, « trouble inné de la communication ». A partir de ses travaux, le diagnostic fut très sélectif, basé sur des critères étroits. D’où, à l’époque de ses travaux, une très faible prise de conscience sur la place publique. Ainsi l’autisme ne concernait qu’un enfant sur 10 000 !
Selon Kanner, l’autisme est une maladie. Et les parents auraient souvent ces traits : un père intellectuel, absent, et une mère froide, qualifiée de « réfrigérateur » ! Il est alors facile d’imaginer les conséquence désastreuses d’une telle interprétation, la honte et la stigmatisation sociale qui en ont découlé.
Hans Asperger, quant à lui, a donné son nom à un syndrome beaucoup plus vaste, non plus dans une approche binaire, mais celle d’un spectre. De leur vivant, Kanner (Allemand émigré aux États-Unis) et Asperger (basé à Vienne, en Autriche) n’auraient jamais rien échangé sur leurs recherches. Et pourtant, en 1944, Asperger publiait une description différente de celle de Kanner. Elle ne stigmatisait pas les parents, mais ouvrait la voie pour des soins tout au long de la vie.
Le long silence entre ces deux thèses ne sera rompu qu’un quart de siècle plus tard, par la psychiatre anglaise Loma Wing, dont la fille Susie était autiste. La remise en cause des thèses de Kanner, confrontées aux travaux d’Asperger, ne remontent qu’aux années 1970.
La découverte de l’autisme a connu de nombreux rebondissements, notamment dans sa définition et donc son diagnostic. Mais aussi dans son traitement, si tant est qu’on puisse parler de traitement vu qu’il ne s’agit pas d’une maladie au sens classique. Quant aux chiffres (ci-dessous), ils ont pu faire froid dans le dos, en mode pandémique.

Longtemps, les enfants autistes étaient logés à la même enseigne que ceux atteints de schizophrénie. Leur destin était bien sombre, comme une réminiscence de l’enfant sauvage de l’Aveyron, découvert par le Professeur Itard. Dans Neurotribes, Steve Silberman décrit l’épopée de médecins et de familles cherchant à mieux comprendre le phénomène de l’autisme. Et au-delà, des progrès poussifs d’une société vis-à-vis des personnes atypiques. Au fond, Silberman plaide pour sortir de l’obscurantisme d’une société qui très longtemps n’a su qu’enfermer les enfants différents. Sans avenir.
La diversité (Silberman parle de neurodiversité) est une richesse, mais sa prise en compte demande de gros efforts, un véritable investissement qui ne peut pas être limité aux familles concernées. La « bible » médicale (DSM : Diagnostic and statistical manual of mental disorders) est passée d’un livret de quelques pages à un volumineux manuel de près de 1000 pages, ce qui reflète l’abondance de travaux partout dans le monde.
A la fin du XXème siècle, les médias anglo-saxons se sont emparés de ce sujet, tandis que le cinéma allait ouvrir un boulevard à la cause autistique. Le film Rain Man, en 1988, raconte l’histoire d’un frère neurotypique (joué par Tom Cruise) qui cherche à libérer son frère autiste (Raymond Babbitt, joué par le génial Dustin Hoffman), nous renvoie à une époque où le seul horizon était l’asile de fous. Pour la première fois, un autiste adulte apparaissait à l’écran !
Laurent