Tous chamanes ?

L’Occident est une étrange partie du monde, peuplée d’êtres souvent fort riches au plan matériel, et parfois assez démunis au plan spirituel. Le progrès technique, l’Esprit des Lumières et le rationalisme semblent ici, en Occident, avoir eu raison de millénaires de traditions. Mais certaines traditions perdurent et refleurissent, surtout lorsque l’Homme et la Terre, indissociables, vont mal. Alors nous essayons de baisser le son provenant de notre intelligence spéculative pour augmenter nos capacités perceptuelles et notre intuition.

Il nous arrive souvent d’aller voir le médecin quand le corps tourne mal, voire d’aller chez le psy lorsque notre mental nous semble criblé de soucis. En mode binaire, on vient avec un problème et l’on repart avec la promesse d’une solution. Mais on sait bien que la panacée n’existe pas ! Ailleurs, dans les sociétés moins dévastées par le rationalisme et l’immédiateté, d’autres intermédiaires peuvent être consultés. Sorciers, marabouts, ou encore mediums, chamanes, guérisseurs. Qu’importe le titre ! Tous possèdent quelque chose d’impalpable, une sagesse exceptionnelle, un don et une grande sensibilité.

Mais les frontières entre l’Occident et l’Orient, entre le monde rationnel et l’autre monde, plus intuitif et perceptuel, sont finalement assez floues. Et les échanges, la mondialisation et l’ouverture des frontières n’ont pas seulement permis le soi-disant triomphe du capitalisme et de la pensée rationnelle. Plus subtilement et plus silencieusement, des pratiques comme la méditation, la transe chamanique et autres formes d’introspection – sans oublier le yoga, superstar mondiale des pratiques venues d’ailleurs – pullulent sur toute la surface du globe, de New Dehli à Paris, d’Oulan Bator à San Francisco.

A la recherche de héros et de guides, nous sommes tous un jour amenés à faire des rencontres qui nous modifient, des rencontres inspirantes. D’abord dans la résistance, ou dans le déni, ou dans la gêne, nous avons bien du mal à « sauter le pas ». La peur, le poids des habitudes, le regard des autres et en particulier de ceux qui nous connaissent, tout cela peut nous freiner. Et pourtant, pourtant la méditation, le chamanisme et autres pratiques ancestrales ne visent pas à nous métamorphoser. Juste à se rapprocher de soi, en laissant quelque peu de côté notre égo et nos images mentales, nos croyances limitantes.

Confondant vitesse et précipitation, le business du développement personnel s’empare de l’image à la fois féerique et mystérieuse de toutes ces pratiques. Porté par l’injonction d’aller bien, d’investir dans notre bien-être, question de survie ! Devenus des clients ou, pire, des sujets passifs et impatients, la fast transe débarque dans nos vies comme jadis le fast food. A l’image des régimes miracles, des quick fixes. En somme on se paie un stage ésotérique un peu comme on emmène – vite fait bien fait – sa voiture en révision chez un Speedy ou un Midas (allégories de la vitesse et de la richesse, allez savoir pourquoi !)

Rapidement et sans vouloir faire trop d’effort, des substances psychotropes fleurissent un peu partout, afin de précipiter, d’accélérer l’expérience pseudo-chamanique. Le voyage intérieur doit être garanti coûte que coûte, car en Occident plus qu’ailleurs, l’heure est satisfait ou remboursé, à la satisfaction immédiate d’une envie soudaine de partir… vers un état modifié de nous-mêmes.

Mais qu’est-ce qui nous passe donc par la tête ? A-t-on encore une fois confondu vitesse et précipitation ? Le cheminement n’est-il pas plus important que l’atteinte d’un objectif fixé à l’avance, avec la pensée délirante d’une performance dans la transe, l’obsession du résultat ?

Ayahuasca, substance hallucinogène, dont le nom signifie en langue Quechua liane des esprits ou liane des morts, revient souvent dans les discours et les médias. La naïveté des uns, touristes ésotériques en quête de sensations fortes, alliée à la cupidité des autres, des chamanes en mode narco-business, produit chaque année son lot de morts. Quand la bêtise pactise avec le profit…

Et pourtant, pourtant nous avons certainement tous, individuellement, des capacités d’introspection. A un moment ou à un autre, nous avons tous besoin de faire le vide, de laisser notre égo de côté et de se détacher des contingences de la vie sociale, familiale et professionnelle. Demain, tous chamanes ? Ou dès maintenant ?

Laurent

Une réflexion sur “Tous chamanes ?

  1. Merci pour cet article ! Le chamanisme, comme toute pratique, nécessite un enseignement, et donc du temps. Prendre le temps de découvrir, d’apprendre, de ressentir… et non pas de vouloir brûler les étapes.

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