Il existe des vallées reculées où la vie ne se passe pas tout à fait comme ailleurs, plus bas dans la plaine. Il y a des lieux pas comme les autres, où l’on peut se sentir tour à tour puissant, supérieur ou à l’inverse, en position d’infériorité. Plantez-vous là, au bas d’une paroi abrupte, au pied d’une falaise. Nul doute qu’un certain malaise risque d’être ressenti par le novice, l’homme (ou la femme) des plaines qui passait par là. Pour les locaux ou les initiés, les sensations de vertige, du haut de la paroi rocheuse, ou d’écrasement, une fois posté en bas, tout ça c’est pour les autres.
Les hommes peuvent parfois être inspirés par la nature qui les environne. La verticalité est une de ces dimensions qui, en principe, ne laisse personne indifférent. La verticalité sépare, elle éloigne, mais aussi elle protège ou donne cette impression. Quant à l’horizontalité, celle des grands espaces, celle du vide devant l’horizon, elle inspire et connecte les peuples. Elle facilite tout type de commerce !
Et puis les hommes bâtissent. Et l’architecture révèle ce désir d’horizontalité ou bien, au contraire, de verticalité. Il n’y a qu’à observer les sièges sociaux, paquebots ou gratte-ciels, symboles de pouvoir et de prestige. Ou de rassemblement et de proximité. Autrefois, les tours du Moyen Âge ou les cathédrales gothiques, ont représenté autant de défis au commun des mortels. Autant de marqueurs d’un pouvoir sacré ou économique.

La verticalité se retrouve aussi dans les rapports humains, dans la vie en société. On parle de société pyramidale et de hiérarchie pour traduire une différence voulue et acceptée par tout un chacun, un rapport de subordination (être sous les ordres d’un autre, le sachant, le chef). Il est convenu qu’en période dite de stabilité, une organisation verticale à forte distance hiérarchique est somme toute assez logique et opérationnelle. A contrario, les spécialistes du management vous diront qu’en temps instables et incertains, il vaudrait mieux non seulement simplifier la structure de commandement, mais aussi davantage responsabiliser et écouter les niveaux subalternes. La seule vérité serait là, tout en bas, sur ledit « terrain » !
Quel drôle d’anachronisme, si on compare le monde de l’entreprise et celui de la politique ! Certes le pouvoir, partout, peut être aussi grisant. La concentration du pouvoir et de l’argent, en mode vertical (voir le différentiel grandissant entre PDG et ouvriers-smicards) ne semble pas plus choquer que l’inégale distribution du pouvoir dans le public. Soit.
Mais autant l’organisation de l’entreprise a fait sa mue, il y a longtemps, dans une recherche constante d’efficacité et donc de rentabilité. Autant la vie politique reste centralisée, centrée autour d’un culte de la personnalité, autour de la centralisation (on connaît le grand coup de bluff de la décentralisation, avec sa reproduction de couches administratives intermédiaires). On retrouve cela autant en démocratie qu’en démocrature. Ce type de pouvoir est arc-bouté sur ses prérogatives. Il se donne des apparences de dynamisme et de modernité. Mais au regard de l’Histoire, il demeure, statique, rigide et autoritaire. Et loin, très loin du terrain…
Il semblerait donc qu’un des derniers bastions de la verticalité, dans la société humaine, soit celle du pouvoir politique. Alors certes on peut trouver de l’hubris un peu partout. Certes, dans le privé, on continue d’assister à une concentration démesurée de pouvoir et d’argent, donc d’influence qui déborde largement sur la politique. Ce qui pose la question de la responsabilité : qui est fautif, qui doit payer le prix de ses excès ?
Laurent