Il est là, il arrive… le loup. Il est arrivé dans la vallée. La vallée du Giffre, par le haut, par le col d’Anterne. Par d’autres passages peut-être aussi… Aux Glières, il était arrivé (ou plutôt revenu) dès 2009 et avait suscité bien des passions, entre scientifiques d’un côté et agriculteurs de l’autre.
Le loup, on en parlait. Les documentaires qui expliquaient sa migration, ces meutes venues d’Italie et passées en douce dans l’Hexagone, dans le Mercantour notamment. Alors, on pouvait trouver ça curieux, intrigant. Le loup de retour en France, le réveil d’une légende !
Oui mais l’histoire récente du loup n’allait pas s’arrêter là. Car comme l’homme, le loup rivalise d’ingéniosité. Il est du genre dynamique, toujours en mouvement. On dirait que rien ne l’arrête, le mâle alpha, mais aussi la louve et le louveteau.
Lors d’une discussion avec un berger du Haut-Giffre, on me dit qu’il est arrivé en Haute-Savoie, en provenance de contrées moins peuplées, plus sauvages. Il aurait été aperçu dans les Aravis, et se serait approché de la vallée de l’Arve. Le loup au pied du Mont Blanc, la classe ! Une belle carte postale, non ?

Et puis le voilà dans le massif des Aiguilles rouges. Loulou, tu chauffes, tu te rapproches, tu brûles ! Alors il faudrait peut-être retourner voir ce berger posté au pied du Buet, au Grenairon précisément. Que doit-il aujourd’hui penser de tout cela ? Comment vit-on quand cette arlésienne est devenue une réalité ?
L’entrée du loup dans « nos » montagnes (qui sont aussi les siennes, au loup) est-il juste un passage, une intrusion temporaire ? Ou bien le loup va-t-il se réinstaller, lui et sa meute ? Et pourquoi cette migration vers le Nord ?
De tout cela, il est probable que le berger haut-savoyard en ait cure. Lui, tout ce qu’il veut, du moins ce qu’il souhaite, c’est que le loup fiche la paix à ses bêtes. Est-ce un vœu pieux ? Est-ce une lubie, le caprice de celui qui voudrait tout contrôler, tenir la nature sauvage à distance ?
Déjà il y avait eu les aigles, et puis on avait pas mal jasé à l’époque au sujet du gypaète, soupçonné de provoquer la chute des futures charognes. Ou bien le vautour, le trouble-fête des hommes et de leurs troupeaux… Toujours cette incompréhension entre l’homme des champs et l’homme des villes. Ce fossé culturel entre le montagnard têtu mais pragmatique et le gestionnaire parisien, d’ascendance jacobine, déconnecté des réalités.
Toujours cette hésitation entre admiration et peur, entre contemplation et colère. Loup y es-tu, m’entends-tu ? Ah, que ce serait simple si l’on pouvait lui parler ! Si l’on pouvait le « gérer » comme on gère le suivi d’une commande sur Internet…