Quand Tesson se rapproche…

La vie d’un aventurier semble toujours faite de fuites, de fugues lointaines, d’échappées belles. Avec Sylvain Tesson, à pied, en side-car ou à moto, c’était devenu une habitude. Une pure évasion, dans les steppes d’Asie centrale ou à travers l’immensité de la Sibérie, de la Mongolie ou du désert. Des parties de cache-cache à travers le gigantesque Himalaya et les hauts-plateaux tibétains, à nous faire perdre tout repère spatio-temporel. Loin, toujours plus loin.

Il fallait prendre toute cette distance, se laisser purifier, bouleverser, pour s’approcher de l’essentiel. Eh oui, la distance du camp de base (la France) avait été la condition de notre dépaysement salvateur. De quoi souffrions-nous ? Oh, trois fois rien ! Une petite punition administrative kafkaïenne, de l’enfermement volontaire, des applaudissements comme à l’école des fans, des gestes barrières et, bien sûr, la distanciation sociale. Tous devenus autistes en quelque sorte, nous étions mûrs pour le grand voyage, loin des proches, loin des siens puisque ces derniers étaient devenus dangereusement contagieux !

Les plus aisés et curieux, parfois qualifiés (par les plus casaniers) de « grands voyageurs » mangeaient leur pain noir, en cale sèche. Interdiction pour tous de sortir plus de 60mn et de s’éloigner à plus d’un kilomètre. Notre cadre de vie atrophié, amputé, Tesson en mode lointain allait faire salle comble dans notre imaginaire…

Alors que les uns s’inquiétaient sur l’exactitude de leur autodéclaration, de l’efficacité de leurs barrières immunitaires ou de leur stock de paracétamol, pour d’autres la thérapie de choc, le traitement de cheval, serait signé S.T.

A la laideur d’un formulaire administratif et à la bêtise de nos petites peurs infantiles (la peur du gendarme comme une peur du grand méchant loup), je préférais la beauté d’un livre, la fantaisie de son auteur au grain de sel si particulier, les charmes de l’aventure encore possible, la magie de la poésie et du conte philosophique. Richesse de la culture contre pauvreté sanitaire et médiatique.

D’un livre à l’autre, nous alternions, d’Europe en Asie, du Nord au Sud, de l’Est à l’Ouest. Une leçon idéale d’histoire-géo, grandeur nature, effets spéciaux et émotions fortes garantis. Une course folle qui devait, selon toute logique, ralentir un jour, pour plus de contemplation et d’apaisement, enfin, avec la Panthère des neiges.

Mais la vie voulut que l’auteur de calmât, après une chute de toit chamoniard. Alors la quête du sens allait redevenir hexagonale, avec les Chemins noirs, retour forcé au bercail. Après cette convalescence, vint la surprise, celle de la poudreuse et du feu de bois, celle du proche terrain alpin, avec quelques airs non plus d’exotisme, mais d’ancrage et de retour en terrain connu !

Avec Blanc, édité en 2022, le mouvement est là, lent mais permanent. Les années défilent, de 2018 à 2021. La mer rapproche, les montagnes séparent. Avec la crise sanitaire aux trousses, quelle chance pour l’auteur et ses deux comparses. Des planqués, des sépararistes à ski, restés 85 jours durant au-dessus de cette mêlée paranoïaque. Quelle chance ! L’altitude comme rempart à l’ingratitude du monde moderne.

Laurent

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