La mode des circuits longs

Le locavore est un rebelle conscient. Conscient des limites planétaires et conscient de l’impasse systémique dans laquelle nous sommes empêtrés. Étymologiquement, le rebelle recommence la guerre. Une lutte contre notamment les circuits longs. Cela va de soi, et pourtant !

Et pourtant, les circuits longs dominent la scène économique mondiale. Les aficionados de Davos ou d’autres grand-messes annuelles n’en pensent pas moins, même s’ils peuvent feindre le contraire (green business, green finance, etc.)

Depuis que l’homme est curieux, avide de nouveauté, mobile et inventif un tant soit peu, des circuits longs se sont tissés un peu partout. Route de la soie, du sel, des épices, des étoffes, des agrumes. Pourquoi rester simple et sobre ? Commerçons avec nos voisins disait D. Ricardo. Mais pourquoi se limiter à un commerce de voisinage ? pensèrent les plus audacieux…

Ainsi se sont développées de longues chaînes de production, complexes et mondialisées au possible « en fonction des opportunités du moment ». Cela concerne évidemment l’industrie, mais également les services. L’économie, dans le réel et le virtuel. Dans le virtuel où les données voyagent à la vitesse de la lumière, donc bien mieux que tout transport de marchandises ou de personnes ! Sans quoi les GAFAM seraient encore des nains.

Car voilà que les opportunités se sont multipliées, les façons de « faire de l’argent », de développer sa petite (ou sa grande) entreprise, en externalisant, sous-traitant, se concentrant sur un cœur de métier lui-même changeant, variable et mobile. En se connectant au grand bal mondialisé. En digitalisant, en suivant ce « nouveau testament » d’homo œconomicus.

La mode du circuit long reflète juste notre appétit inassouvi, notre éternelle envie de plus que ce dont on a véritablement besoin. Plus nous consommons compulsivement, moins nous nous « prenons la tête ». Pas le temps de peser le pour et le contre, de chercher des alternatives plus locales, plus responsables, plus traçables. Plus nous poussons inlassablement notre caddie réel ou virtuel, plus nous nous éloignons de l’économie locale, celle des producteurs locaux, des agriculteurs, des artisans et des revendeurs à petite échelle.

Le confort est donc une donnée essentielle de notre appétit pour les circuits longs. Ne pas avoir à réfléchir, ne pas avoir à se sentir responsable (voire pire, se sentir coupable). La mode des circuits longs dépasse alors la seule « envie d’ailleurs » (épices, produits exotiques). La consommation « à la légère » étant si lourde de conséquences (sociales, environnementales), cachons durablement ces maux qu’on ne saurait voir ! Consommons en temps masqué, en mode Drive ou livré à domicile. Mais consommons !

Le réveil (de notre inconscience collective) pourrait être historiquement brutal à mesure que se confirmeront les sombrent mais réalistes prévisions quant à la disponibilité de l’énergie jadis « abondante et bon marché ». Car les fondements aveugles des révolutions industrielles – qui se prolongent avec ladite « révolution verte » et numérique pour sa version la plus récente, teintée d’intelligence artificielle et de transhumanisme – n’auront été qu’un miroir aux alouettes. Un dogme qui sert de petite histoire du soir, de berceuse collective.

C’est alors que l’on constatera que l’inflation des circuits longs, au XXème et au XXIème siècle, n’aura finalement été qu’une mode, une parenthèse dorée (ou plombée). Une modalité parmi d’autres possibilités d’action !

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