Richard Louv X Mère Nature

Richard Louv : « Il est temps que l’Homme se rapproche de la Nature. Depuis deux siècles de révolutions industrielles et d’urbanisation, après tant de colonisation et d’artificialisation des terres, après tant d’expansion aveugle et irresponsable, il est temps de renouer avec le vivant, tout le vivant ! »

Mère Nature : « Pas si vite, jeune homme ! De quel droit est-ce que vous demandez cela ? A qui en avez-vous parlé ? Cela ressemble encore une fois à ces décisions prises sans consulter qui que ce soit, hormis vous-mêmes les humains ! »

R.L. : « Mais c’est que nous n’avons plus le choix ! Nous avons compris que nous dépendions totalement de notre environnement. Nous savons désormais qu’il n’y aura pas de plan B (ou alors seulement pour une infime minorité, ce qui n’est pas tenable, pas viable politiquement). »

M.N. : « Vous nous fatiguez avec votre politique. Vous savez, ici sur Terre il n’y a pas de partis politiques les uns contre les autres. Pas de ligue des herbivores opposées à une ligue des carnivores. Pas de rassemblement des végétaux aux intérêt divergents d’un parti animalier ! Ici tout les monde se parle, communique, communie. Tenez, même les champignons, ces millions de variétés qui constituent le « règne fungi » et qui paradoxalement tiennent le haut du pavé… en toute discrétion car l’essentiel de leur biomasse est souterraine… même les champignons échangent, partagent et surtout, ne cherchent pas à abuser des autres, au nom de je ne sais quel profit. »

R.L. : « Eh bien, justement, nous avons besoin de vous tous, à commencer par les arbres. Et pas d’arbres sans mycélium. Pas de vie sans substrat, sans humus ! Depuis plus d’un siècle nous avons protégé des centaines d’espèces, des plus emblématiques comme les lions d’Afrique ou les ours des Pyrénées, aux plus discrets comme les abeilles mellifères ou de nombreuses variétés de fleurs. »

M.N. : « Oui c’est bien ça, vous vous jetez des fleurs. Vous vous enorgueillissez d’avoir évité la disparition totale de beaucoup d’espèces florales ou fauniques. Enfin, vous savez, j’ai des dossiers sur vous les Hommes. Voulez-vous qu’on refasse un point ensemble, sur tous les dégâts causés par vos égos surdimensionnés ? Un bilan sur votre prédation des terres, des minerais, de l’eau et de tout le reste ? Et vous continuez à vous moquer de nous, et dans le même temps vous vous moquez de vos sociétés humaines, à coups de com, de RSE, de green washing ! »

R.L. : « On apprend de ses erreurs, simplement ! Il a fallu beaucoup de temps à la sélection naturelle pour parvenir à la multitude d’espèces animales et végétales. Idem pour les champignons. Et ne parlons pas du temps long de la géologie et de la formation des roches, qui sont le socle de notre planète. Nous, les Hommes, nous avons étudié, disséqué, analysé tous ces phénomènes. Alors certes, nous avons souvent abusé de ses connaissances, nous avons joué avec la Nature un peu comme des gosses, de façon parfois irresponsable… »

M.N. : « J’apprécie votre franchise. Mais je ne suis pas certain que vous soyez mûrs pour réellement changer. Car voyez-vous, il y a tant d’incohérences chez vous les humains ! Tant d’intérêts conflictuels, tant de vision à court-terme. Vous parlez si bien et agissez si peu. Un stage intensif en humilité vous ferai tellement de bien. Mais je ne sais pas si ce que vous nommez environnement soit prêt à vous ouvrir de nouveau les bras. C’est que vous nous avez si souvent trompé sur vos intentions. Vous avez si peu su tenir vos promesses. Paroles, paroles, paroles… »

R.L. : « Je suis vraiment navré. Mais je ne saurai porter toute la responsabilité de milliards d’individus et de dizaines de générations. Et je sais bien que nous avons entamé un tournant dangereux à l’aube du Néolithique, il y a donc environ 10 000 ans déjà. En 2005, j’avais écrit « Last Child in the Woods : Saving Children from Nature-Deficit Disorder » pour expliquer, plus récemment, ce glissement et ces frontières grandissantes entre les Hommes et la Nature. Surtout chez les êtres les plus fragiles et influençables : nos enfants. Imaginez qu’ils ne savent plus jouer aux billes, dehors, et qu’à la place ils ont un smartphone greffé à leurs mains et à leur cerveau, et de plus en plus tôt dans leur existence ! Nous avons créé des hordes de crétins digitaux, insensibles aux paysages et aux étoiles, apeurés de tout. »

M.N. : « Je suis un peu déconnectée de vos affaires humaines. Mais si, pour commenciez, vous arrêtiez d’appeler « jardin d’enfant » des constructions totalement bétonnées. Si vous pouviez laisser le désordre naturel investir vos villes. Laissez-donc la Nature reprendre ses droits. N’ayez plus peur ! Si vous pouviez, aussi, lâcher prise et apprendre à ne plus tout vouloir contrôler à coups d’insecticides, de pelleteuses, d’explosifs. Apparemment vous avez commencé à le faire par endroit. Oh, je ne vais pas vous dire qu’il faut revenir à l’âge de pierre, arrêter de vous chauffer, de voyager, de vous amuser. Mais un peu de bon sens ne vous ferai pas de mal. Et cela peut s’apprendre dès le plus jeune âge. Tout comme la politesse, la bienveillance, le respect des autres et du vivant ! On se revoit en 2025, Richard, lorsque vous écrirez le tome 2 du « trouble de déficit de nature » ? »

R.L. : « Chiche ! »

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