La productivité est l’un des mantras de l’économie moderne. Et donc de notre société, laquelle selon un certain Keynes aurait mieux fait de laisser l’économie sur la banquette arrière ! Ceux qui l’étudient, la jaugent et la commentent – économistes, journalistes, politiciens – semblent souvent oublier ses faces sombres, ou le revers de la médaille productiviste.
Car la productivité qu’est-ce donc ? Une course contre le temps, une tentative toujours répétée de faire plus avec moins ? Ce qui peut tout de même soulever quelques interrogations. Car n’est-ce pas un peu contre nature ou, pour le dire autrement, un peu « tiré par les cheveux » ?

Si l’on délaisse un instant la sphère humaine, voit-on ailleurs dans le monde animal ou végétal cette même pression permanente, cette quête absolue de croissance ? Autrement dit, les arbres, eux, ne cherchent pas à pousser jusqu’au ciel ou à atteindre plus vite leur taille optimale… Et les lions comme les baleines n’ont jamais réellement essayé de faire des gains de productivité !
Car il faut bien s’interroger sur l’utilité de la productivité. Certes on peut, à titre individuel, se satisfaire de progresser dans sa capacité de travail, un peu à l’image d’un écolier satisfait de ses progrès en mathématiques et en vitesse de calcul ! Cependant, l’obsession à la productivité et au rendement peuvent se retourner sur l’élève comme sur l’employé. Et l’on connaît tous les noms de ces maux, qui finissent tous par « out » et peuvent aussi nous mettre « out » c’est-à-dire sur la touche, KO !
Depuis très longtemps, l’Homme a cherché à améliorer sa capacité à résister. Au plan physique et au plan mental. Dans le sport, on parle de dopage pour tout ce qui permet de poursuivre telle ou telle compétition sans trop avoir à craindre d’être « out » le lendemain, jouant sur la performance du jour j et sur la récupération du jour j au jour j+1. Car la nature étant quelque peu têtue et taquine, elle n’a rien inventé de mieux pour les Hommes (comme pour le reste du règne animal) que le repos, pour les lendemains de compétition (ou de fête !) Ce qui est bien peu compatible avec un Tour de France ou des Jeux olympiques.
C’est là que se produit le dérapage et la tentation d’aller vers telle ou telle substance ou potion magique. C’est notre entêtement productif et notre curiosité (côté demande), associés à notre sens aigu des affaires et ce qu’on nomme joliment la créativité (côté offre), qui ont fait fleurir un nombre incalculable de trafics de drogues (versant illégal) et de commerces en tout genre (versant légal, qu’il s’agisse de café, de thé, de chocolat ou d’autres « remontants »…)
Productivité, drogue pure et dure ? Après que l’Occident ait fait le coup de l’opium pour endormir, des décennies durant, la Chine, cette dernière semble avoir pris sa revanche dans le commerce de composants de drogues modernes, qui transitent via le Mexique pour mieux se retrouver, par exemple, aux États-Unis. Et pourtant il serait bien naïf de se considérer, que l’on soit Européen ou Étasunien, comme de simples victimes d’un plan maléfique extérieur. Une géopolitique des narcotiques irrigue donc la société humaine, hélas plus que jamais.









