Bezos, Musk, et leurs amis qui nous veulent du bien ont hacké le système politique, médiatique et économique au point de reléguer en L2 les princes d’antan ou les industriels qui avaient fait fortune au siècle dernier. Ces nouveaux maîtres du jeu ont tous un certain nombre de points communs : un ego surdimensionné, un certain charisme et un refus de croire en certaines limites spatiales ou temporelles.
Tous d’anciens enfants fans de science-fiction passés à l’acte dès la fin de l’adolescence. Tous d’éternels adolescents dans une civilisation qui semble guère avoir dépassé ce stade critique. Tous fondamentalement terrorisés à l’idée que cela se termine un jour, bunkérisés et mythomanes par construction, mâtinés d’une peur des autres, puisqu’ils sont si minoritaires sur cette planète, si seuls sur leur ilot imaginaire de happy fews !
Aux USA, le pays où l’expression « the sky is the limit » a été ringardisée depuis longtemps, la dérégulation et la finance facile (dollar is King) ont ouvert des boulevards à la Silicon Valley hier, et depuis, à l’IA, au transhumanisme ou encore à la conquête de l’univers. Les vendeurs de rêves et leurs gadgets déguisés en solutions ont pris le dessus sur les discours modérés du low tech voire de l’incontournable décroissante – hérésie des temps modernes ou cauchemar médiatique.
Dans une vision progressiste et linéaire de l’Histoire, il est devenu nécessaire d’effectuer un nouveau Grand bon en avant, en mode dérégulé et sans aucun contrôle ou presque. C’est que, comprenez bien, il faut quand-même sortir du berceau (terrestre) un jour ! Lubie ou story-telling à suivre ? Pour soutenir ce récit pour adultes, des milliers d’œuvres exploitent et recyclent à l’infini les standards de la science-fiction.
Et puisque la nouveauté reste vendeuse et qu’il ne faudrait surtout pas « passer à côté », alors il devient impératif, au choix, lire tel nouveau livre ou telle nouvelle BD de science-fiction, ou regarder ad nauseam (« binger ») telle série de science-fiction sur telle plateforme. Utopies et dystopie pullulent et mutent tels des virus… Ces mots magiques ont un haut pouvoir hypnotisant ! Notre striatum est au Nirvana.
Les derniers plans stratosphériques (et au-delà) défendus bec et ongles par les mêmes individus capables d’acheter littéralement le nouveau monde médiatique comme l’ancien, peuvent faire sourire toute personne pourvue d’un peu de bon sens.
Puisque tout se joue lors de l’enfance, faudrait-il alors interdire la science-fiction ? Pas gagné… Car il est vrai que la mondialisation, la dynamique urbaine (artificialisation galopante) et le tout numérique nous ont depuis trop longtemps coupé de la « vraie vie ». Ce dessèchement sensoriel nous rend accro aux belles histoires du soir, contes de fées ou récits extraordinaires pour grands enfants à l’heure du streaming.
Devenus tous allergiques à la contrainte, encore plus à l’interdiction, doit-on craindre des manifestations ou des blocages complets des rues, des ports et des aéroports, si l’on venait simplement à envisager ce genre de mesure forcément politique et, comme on a l’habitude de dire, disruptive ? Bannir la science-fiction de notre culture et de nos imaginaires collectifs ou individuels, est-ce tuer la part de rêve de chacun d’entre nous ? Faut-il alors passer par des mesures d’accompagnement afin de faciliter l’application d’une telle mesure ?
Au fond, existe-t-il un antidote à l’état mi-larvaire dans lequel nous sommes, comme piégé par le pouvoir de la pensée magique ? Existe-t-il une ou plusieurs issues de secours ?
Et si… Et si l’on commençait par ne plus confondre le doigt du sage et la lune ? Et si le mythe de la caverne nous était conté, expliqué et illustré à la sauce moderne ? Revenir un moment aux contes anciens, sans aucune prétention pour l’avenir, pour mieux nous dépolluer l’esprit et le cœur ?
On pourrait aussi reprendre le contrôle de notre corps et de notre ancrage dans le monde réel. Revenir à des choses simples mais efficaces. Limiter les artifices pour moindre dépendre des artifices. Tournée générale de detox ! Et peut-être un jour lire ou relire la sagesse d’un Eckhart Tollé…









