Une société civilisée ne doit-elle pas reconnaître et défendre le statut des animaux ?

De tout temps, on a différencié les animaux, incluant dans notre cercle familial, Médor et Minou, quitte à les considérer comme faisant partie de la famille, tout en fermant les yeux sur les conditions d’élevage et d’abattage du cochon qui arrive dans notre assiette et en considérant comme normale l’exploitation de l’animal par l’homme. On a longtemps également considéré que le cheval de trait ou les bœufs étaient nécessaires à nos activités et que l’utilisation de ces « animaux-machines » se faisait sans arrière-pensée. La nécessité faisant alors office de loi.

Qu’en est-il aujourd’hui, alors que le tracteur et les machines ont remplacé les animaux, et que la chasse est devenue un simple « loisir » ?

Une société qui prétend atteindre un « haut degré de civilisation » peut-elle encore s’épargner une réflexion globale sur la condition des animaux, comme elle s’est préoccupée de l’esclavage ou plus récemment de l’égalité hommes-femmes ?

Kitten trying to get at a goldfish

Si vous en doutez, je vous engage à regarder la vidéo du chimpanzé relâché par Jane Goodall dans la nature et qui l’enlace avant de gagner la forêt, dans une scène émouvante.

On considère traditionnellement les animaux comme des « choses », dénuées d’intelligence et de sensibilité. Descartes prétendait même que les cris qu’ils poussaient lors d’une vivisection, n’avaient aucune signification et qu’ils ne ressentaient pas de douleur en tant que tel.

Cette affirmation doit nous faire réfléchir et nous rappeler que les bébés humains n’ont guère été mieux traités jusqu’à une période récente.  Dans notre société occidentale, on observe en effet avec effroi la reconnaissance tardive de la douleur chez les nouveaux-nés :

On a ainsi longtemps prétendu : « Les mouvements et les cris observables lors de stimulations douloureuses témoignent uniquement de phénomènes réflexes» Ceux-ci n’atteindraient pas le cortex cérébral. Les arguments scientifiques cautionnant l’absence de prise en charge de la douleur s’appuyaient sur le développement incomplet du système nerveux du nouveau-né. Ils ont été réfutés les uns après les autres.

Un peu plus loin, on peut lire dans cet article de La Recherche L’actualité des sciences :

Long terme. Non seulement les effets de la douleur peuvent être observés chez le nourrisson, mais des conséquences, tant à court terme qu’à long terme, peuvent être identifiées. Il faut à nouveau ici évoquer les travaux de K.J.S. Anand. Celui-ci publia, également en 1987, dans le Lancet, une étude en double aveugle où certains enfants prématurés ne bénéficiaient pas de vraie anesthésie lors d’une opération chirurgicale intrathoracique5. Un premier groupe qui n’avait reçu qu’un curare provoquant une paralysie des muscles et une inhalation d’oxygène et de protoxyde d’azote gaz de trop faible puissance antalgique dans cette situation avait développé une réaction majeure de stress postopératoire. En revanche, les complications furent significativement plus rares dans le groupe ayant reçu un anesthésique.

A l’époque, il était courant de ne pas anesthésier réellement les enfants prématurés, pour éviter les complications sévères liées aux produits anesthésiques. Cette pratique négligeant le traitement de la douleur était retrouvée dans 77 % des publications des années 1970-1980. L’étude de Anand permit de mettre en lumière les bénéfices quantifiables d’une anesthésie réelle. La lutte contre la douleur, loin d’amener des complications, en réduisait au contraire la survenue !

Étonnamment, le grand public a occulté ces balbutiements de la médecine, qui n’ont conduit que trop récemment dans l’histoire de l’Homme à se préoccuper de la douleur des bébés. Pourtant, cela met en lumière aujourd’hui, la réflexion que l’on ne pourra longtemps encore s’économiser sur la douleur des animaux. Certes, nous ne sommes pas encore prêts à abandonner la consommation de viande, mais de nombreuses études montrent que l’on en mange trop et que l’on ne se préoccupe pas assez des conditions de mise sur le marché de cette denrée issue d’êtres vivants.

Les conditions d’élevage des cochons, en particulier, suscitent régulièrement une vive émotion comme dans l’extrait de cet article:

Pour limiter les pertes liées à ces conditions d’élevage intensif, les porcs subissent peu après leur naissance des opérations douloureuses telles que la coupe des queues ou le meulage des dents. Les porcelets sont également castrés à vif. Ces opérations douloureuses sont quasi systématiques en France.

Pour les porcelets chétifs, considérés comme non viables, l’euthanasie par assommage contre un mur ou à l’aide d’une masse, bien qu’illégale, est couramment pratiquée.

20% des porcs meurent entre la naissance et l’âge de départ pour l’abattoir.

Pourtant, comment ne pas être troublé par l’histoire de ce cochon rapportée par un article récent du journal Le Point.

porc

Priscilla, le cochon d' »Alerte à Malibu. »

L’été 1984, Carol Burk emmène son fils handicapé de 11 ans, Anthony, se baigner à Somerville Lake, au Texas. Une amie, possédant un petit cochon domestique de 2 mois, nommé Priscilla les rejoint. Soudain, à plusieurs dizaines de mètres de la rive, l’enfant semble se noyer. Comme s’il ressentait le danger, le porcin se met à nager à toute allure en direction du gamin, qu’il atteint rapidement. Carol crie à son fils d’attraper le harnais de l’animal. Il y parvient. Malgré ses 10 petits kilos, Priscilla tire l’enfant sain et sauf, jusqu’à sa mère. L’animal recevra pour cet exploit le Stillman Award de l’American Human Society.

L’évolution d’une société est aussi celle de ses mentalités, de ses valeurs. Peut-on raisonnablement continuer de diviser l’espèce animale en castes imperméables qui garantissent aux uns la douceur de notre foyer et aux autres, des souffrances insoutenables, motivées par les contraintes économiques et notre indifférence ?

Christèle

Livres :

Les Animaux aussi ont des droits Boris Cyrulnik, Elisabeth (de) Fontenay, Peter Singer Date de parution 02/05/2013

L’intelligence des animaux de Plutarque

Faut-il manger les animaux ? de Jonathan Safran Foer dans la collection Points en version française

Vidéos :

Séquence émotion : http://www.huffingtonpost.fr/2014/01/21/jane-goodall-chimpanze-video_n_4635018.html l’émouvant geste de remerciement d’un chimpanzé remis en liberté par Jane Goodall

Articles, liens web :

http://www.lanutritherapie.fr/article/industrie-agro-alimentaire-et-camps-de-concentration-dans-les-coulisses-du-supermarch%C3%A9 Ce que l’on n’a pas envie de savoir sur les conditions d’élevage des porcs, volailles etc…. et pourquoi on continue de fermer les yeux.

http://www.b-a-r-f.com/index.php?option=com_fss&view=faq&catid=12&faqid=234&Itemid=100315 Le cas des croquettes, un lien envoyé par Viggo, lecteur de ce site ou comment faire manger de la viande crue à nos chats et chiens plutôt que des croquettes.

http://www.psychologies.com/Moi/Se-connaitre/Personnalite/Articles-et-Dossiers/Les-animaux-nous-aident-a-nous-redefinir Interview de Boris Cyrulnik

http://lettres-histoire-geo.ac-amiens.fr/sites/lettres-histoire-geo.ac-amiens.fr/IMG/pdf/L__intelligence_des_animaux.pdf

http://www.linternaute.com/nature-animaux/animaux-sauvages/dossier/10-animaux-surdoues/10-animaux-surdoues.shtml

http://actualitesterriennes.wordpress.com/ un blog très complet sur l’actualité des différentes espèces du règne animal

7 réflexions sur “Une société civilisée ne doit-elle pas reconnaître et défendre le statut des animaux ?

    • Je suis complètement d’accord avec vous. Notre système entier est perverti. Ma grand-mère donnait de la soupe à son chien… tout simplement. Mais il fallait le temps de la faire, en même temps que celle des humains. Aujourd’hui, même notre animal domestique est complice de ce système. Sans virer au végétarisme forcément, il y a plein de manières de lutter : manger moins de viande, s’informer un maximum sur les filières et privilégier celles qui respectent le plus possible les animaux. Les lobbies ont obtenu que les étiquettes alimentaires contiennent le moindre ingrédient pour éviter les allergies. Pourquoi n’est-ce pas un enjeu que d’afficher le traitement des animaux sur la viande que l’on achète ? Bien à vous, Christèle

      • Merci. 🙂
        Vois-tu de nos jour c’est ceci:
        Aujourd’hui, pour une majorité de personnes

        Une vache mange de l’herbe
        Un lapin mange des carottes
        Un lion mange des antilopes
        Un serpent mange des souris
        Un singe mange des bananes
        Un écureuil mange des noisettes

        Un chien mange des croquettes

        Bref… rien d’anormal apparemment…

        En effet rien d’anormale. De nos jours hélas la grande majorité des personnes ne doit plus savoir ce qu’un chien par sa nature devrait manger.
        C’est effarant et triste.
        Nos chiens sont encore des carnivores et risque de le rester pour les siècles à venir.
        Alors que doit bien manger un carnivore ?
        De la viande pardi. 🙂
        Amicalement
        Viggo
        http://www.b-a-r-f.com

  1. Mais dans la soupe du chien de ma grand-mère, il y avait de la viande aussi, mais des morceaux directement ! Pas de croquettes en vue ! Maintenant, effectivement ce n’était pas que de la viande crue. Tu vois, j’aime bien faire référence au passé, en général : ils avaient encore cette sagesse que nous avons complètement perdue et que nous recherchons de nouveau. Merci pour ton site, très intéressant.
    Bien à toi
    Christèle

  2. Pingback: Code civil : les animaux ne sont plus des "biens meubles" | light up my mind

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