Il y a quelques mois, à l’heure des JO de Sotchi, nous avions ironiquement qualifié Sieur Vladimir Poutine d’inconsolable tant il est vrai que le nationalisme russe est empreint d’une nostalgie à peine dissimulée, du temps des Tsars et du grand Empire Eurasien ! Depuis, non seulement la Crimée a été annexée par la Russie, mais la guerre, elle encore à peine dissimulée, a éclaté à l’Est de l’Ukraine. Sans oublier le mystérieux crash de la Malaysian Airlines, sur le territoire ukrainien. Certains Russes de Moscou, victimes de leurs médias hyperactifs, voudraient bien en finir avec le peuple Ukrainien – réminiscence de la famine infligée par Staline – qu’ils considèrent un peu comme une « sous-espèce »… malgré le partage de la même culture, d’une histoire conjointe, d’une même langue et d’une même religion. La Russie, dans une posture hautaine et feignant l’incompréhension diplomatique, a voulu réagir aux « considérations politiques stupides » de l’UE à son égard. Et Vladimir de sortir l’arme commerciale : l’embargo !
L’Union Européenne ainsi que d’autres grandes puissances occidentales (USA, Canada, Australie) sanctionnées par la Russie. L’embargo russe vise les produits alimentaires comme la viande, le poisson, les fruits et légumes et les produits laitiers. La faible autonomie alimentaire de la Russie, qui importe 35% de ce qu’elle consomme, en fait un client important, donc relativement puissant à l’heure du commerce mondial intégré ! Cet embargo coûterait 12 milliards d’Euros rien qu’à l’UE. Le pays le plus touché commercialement est l’Allemagne (14%) suivi des Pays-Bas (13%), de la Lituanie (12%) et de la Pologne (10%). L’impact pour la France serait de 6% « seulement ». Heureusement que la Russie n’a pas inclus à son embargo le secteur stratégique des vins et spiritueux, ni celui des produits de luxe, points forts des exportations françaises…
– Côté russe, les pouvoirs publics ont rapidement convoqué les fournisseurs et distributeurs locaux afin d’éviter toute mauvaise impression de pénurie. Il a fallu s’organiser afin de substituer aux produits d’origine européenne des produits plus exotiques, notamment issus d’Amérique Latine. Pour le gouvernement de Poutine, l’enjeu est également d’éviter l’inflation, en limitant l’effet d’aubaine (hausse des prix). Mais les Russes ne pourront éviter l’effet monétaire, depuis que le Rouble a fortement chuté face au dollar (-30% en 5 mois) et face à l’euro (-20%). Cet hiver sera compliqué notamment dans le secteur des fruits et légumes. On mesurera alors toute l’ampleur de cet embargo.
– Côté français, de nombreuses personnalités du monde des affaires, notamment feu Christophe de Margerie, ancien patron de Total, sont fermement opposées à cette affaire qui nous oppose à la Russie, qui gêne autant les Occidentaux que les Russes eux-mêmes. Rappelons les sanctions occidentales qui touchent au domaine bancaire et à l’investissement pour les entreprises russes. Alors cet embargo se traduit par un double effet boomerang : il revient vite en pleine figure pour les Occidentaux, à l’heure où la croissance mondiale fait pâle figure et laisse à désirer. Et pour le gouvernement russe, les entreprises et le peuple russe, il risque d’entamer la confiance si précieuse de la base envers les dirigeants. Cependant, rappelons qu’à l’heure où un François Hollande atteint difficilement les 15% de cote de popularité, ce cher Vlad dépasse largement les 80% ! Retour sur investissement du courage politique et de la propagande systématique ? Démonstration fatale de ce qui manque tant à la France politique : la quête du sens ?
Les Russes sont un peuple plutôt francophile : ils aiment la culture française et se souviennent qu’à l’époque du Tsar, le français était la langue de la Cour. Bien sûr la France qui flirte avec les Etats-Unis et joue les atlantistes avec l’OTAN peut froisser l’âme russe. Mettons-nous à la place du téléspectateur Russe, hésitant à juste titre entre la sympathie envers notre Gérard Depardieu national, efficace porte-drapeau culturel, et l’antipathie envers l’actuel gouvernement Français qui traîne à livrer les navires Mistral à son pays !
Au final, guerre économique et guerre réelle en Ukraine paraissent éloignées des préoccupations de l’Européen de base, davantage inquiété – par médias interposés – de cette autre guerre contemporaine : celle contre le soi-disant « Etat Islamiste ». Alors dans l’inconscient collectif européen (si tant est qu’il existe !) seuls quelques riverains du front oriental (Polonais, Slovaques, Baltes…) craignent réellement ce qui peut se passer cet hiver, notamment au plan énergétique et, par extension, au niveau de leur croissance économique. Parfois même les vieux réflexes nationalistes fleurissent comme cette campagne de promotion des pommes polonaises qui titrait : « pour faire les pieds à Poutine, mangez des pommes [polonaises] ! »
Laurent