Pourquoi faire simple ?
Les perturbateurs endocriniens, anglicisme (endocrine disruptors) de plus dans notre quotidien, sont des substances chimiques issues de notre environnement. Des substances omniprésentes. Elles viennent perturber la communication hormonale, c’est-à-dire les ordres donnés par notre système nerveux central, en direction de nos organes, et conduits jusqu’à eux par la circulation sanguine.
Pourquoi s’y intéresse-t-on ?
Parce que les progrès de la science ont permis de découvrir, depuis les années 1990, un lien de plus en plus indiscutable, entre des substances chimiques et des problèmes de santé. Rappelons que la communication dans notre corps se fait de deux manières complémentaires. D’une part une communication physique, qui passe par le système nerveux qui engendre des influx électriques, en mode instantané. D’autre part une communication chimique, par l’intermédiaire des hormones, qui agissent en permanence, tout au long de la vie. Les hormones ont un rôle essentiel pendant la gestation et pendant la puberté. Ainsi le cerveau du fœtus est-il fabriqué à partir d’ordres chimiques… Lorsque cette communication est perturbée, cela peut engendrer diverses problèmes de santé : infertilité, obésité, cancers, diabète, troubles et maladies neurologiques (autisme, hyperactivité, Alzheimer, Parkinson…) De plus, les effets des P.E. se transmettraient à la descendance (hérédité) sur plusieurs générations.
Qui s’y intéresse ?
Les pouvoirs publics, submergés par l’accroissement des dépenses de santé. Le seul vieillissement démographique n’explique pas tout. L’Union Européenne, d’après la journaliste indépendante Stéphane Horel, chiffrerait le coût sanitaire des perturbateurs endocriniens à la bagatelle de 157 milliards d’euros par an. La société civile, au travers du monde associatif, des ONG pour la transparence, la démocratie et la protection des consommateurs, brandit régulièrement la menace de poursuites judiciaires. Les médias s’en font écho, mais à des degrés divers selon leurs accointances vis-à-vis de l’industrie (chimie, jouets, pharmacie, agroalimentaire, cosmétiques…) On notera la présence de nombreux lanceurs d’alertes, à l’instar de Stéphane Horel mais aussi de médecins, de journalistes, de militants…
Où en est-on, côté réglementation ?
Comme pour d’autres grands problèmes sanitaires (tabac, alcool, amiante, etc.) la réglementation a toujours quelques trains de retard. Bien sûr il serait de bonne guerre d’accuser, une fois de plus, Bruxelles et son armée de fonctionnaires grassement payés et lents à la détente. La réalité est plus subtile et plus croustillante. Hélas l’incroyable capacité d’innovation de l’industrie chimique nous inonde de substances suspectes : Bisphénol-A, phtalates, retardateurs de flammes bromés, parabens, triclosan, etc.
Le CEFIC, groupement européen de lobbying de l’industrie chimique, est l’organisme privé le plus important à Bruxelles. Il défend ses entreprises membres et, à la manière des cigarettiers, produit quantité d’études qui ont pour but de créer et faire perdurer le doute dans l’esprit du législateur. Ceci afin de jouer la montre et gagner de précieuses années. Business is business. De temps en temps, l’industrie est prête à sacrifier une quantité minime de produits chimiques afin de protéger le reste, à savoir en fait l’immense majorité restante. Ainsi le législateur se sent satisfait du devoir accompli, et le grand public, laissé à distance des débats et des prises de décisions, a l’impression que « quelque chose de positif a été fait ».
Héritage libéral
Avec un peu de cynisme, on pourrait dire qu’on « récolte ce que l’on sème », car depuis plus d’un demi-siècle on a inventé puis mis sur le marché, avec des contrôles sanitaires minimalistes, une quantité invraisemblable de produits chimiques entrant dans nos assiettes, nos pharmacies, notre maison, notre voiture, notre bureau. Finalement, tel un immense boomerang, notre société tout entière est en train de se prendre en pleine figure les conséquences sanitaires d’une politique du laisser-faire, revers de la médaille de la liberté d’entreprendre !
© Khalil Bendib
Mais outre cette énième partie de poker menteur entre l’industrie, le monde politique et la société civile, la grande bataille judiciaire sur fond d’intérêts commerciaux et d’intérêt général n’en est peut-être qu’à ses débuts ! A Bruxelles, au cœur de l’arène, le Corporate Europe Observatory veille au grain, et souligne au passage les menaces supplémentaires que représentent les négociations trans-atlantiques, pour toujours plus de libre-échange et toujours moins de contraintes pour les entreprises.
Laurent
Merci Laurent pour cet article qui nous touche tous dans nos vies de tous les jours. Où sont les contre lobbies de consommateurs pour alerter et informer des meilleurs ou plutôt moins nocifs des produits à acheter pour nettoyer (le linge, la vaisselle, les sols, la cuisine, la salle d’eau…)? Où trouver l’info?
Il y a un vrai travail de fond, de vigilance, d’éducation ou de rééducation. Penser aux recettes dites (affectueusement mais aussi parfois par moquerie) « de grand-mère ». Il doit bien exister des sites d’information, mais aussi des enquêtes (Que choisir et autres). Il y a bel et bien un début de prise de conscience vu que même des géants des cosmétiques retirent certaines molécules tels les fameux parabens… Voir aussi des salons « bio »/ »nature »/ »alternatifs » (salon Primevère, etc.) Car on n’imagine pas toutes les solutions. Elles existent déjà, mais pâtissent d’une moindre couverture médiatique. Ce sont soit des créations de produits réellement nouveaux et plus sains, soit des rééditions des fameux produits de nos aïeux !!