Il existe de nombreux endroits dans le monde aux reliefs acérés, composés d’innombrables montagnes dites « jeunes ». Une jeunesse relative, puisque leur âge s’exprime non en milliards, mais en millions d’années seulement ! Ainsi les Alpes auraient entre 5 et 28 millions d’années selon la comptabilité géologique. L’Himalaya est un ensemble également assez jeune, avec environ 40 millions d’années au compteur.
Notre Massif Central fait figure de doyen avec 500 millions d’années. D’un côté donc, il y a ces montagnes qui n’arrêtent pas de s’éroder, de se tasser, inéluctablement. De l’autre, il y a celles qui grandissent encore. Parmi les plus grands spectacles, bien invisibles à l’échelle de la vie humaine (hors volcanisme), notons la rencontre de la plaque indienne et de la plaque asiatique.
On estime que le massif de l’Himalaya s’accroît d’environ 1 mètre tous les 1000 ans. Soit 0,001 mètre, ou 1mm pour faire simple, par an. Cela en données brutes, donc en dehors de l’effet de l’érosion ! Sauf qu’à l’échelle non humaine, à l’échelle géologique, cette croissance pourrait très bien, si les mouvements tectoniques se prolongeaient, disons encore un million d’années, propulser le K2 et l’Everest, à plus de 10 000 mètres ! Évidemment, tout cela n’est qu’une hypothèse. Mais après tout, le Mont Olympe (sur Mars) mesurerait bien 21 000 mètres, au bas mot !

Le Pamir, au Kirghizistan
En Occident, où la performance et la rentabilité ont semble-t-il fait table rase des valeurs sacrées, les chiffres montent vite à la tête. Ailleurs, le phénomène géologique et les données scientifique du relief laissent souvent les gens de marbre. Les peuplades ouzbèkes, tadjikes ou kirghizes ont souvent mieux à faire que d’aller se perdre dans les hauteurs, entre tradition paysane, nomadisme rythmé par la vie des troupeaux et respect des lieux sacrés. En Asie centrale, des expéditions venues d’ailleurs (États-Unis, pays d’Europe, où règne la mode de l’outdoor) s’aventurent, dans un esprit de compétition mêlé de respect et d’entraide. De temps en temps, des cordées venues d’ailleurs réalisent – aujourd’hui encore ! – des « premières mondiales ». Et des sommets anonymes finissent par trouver un nom !

Khan Tengri ou « Roi des spectres »
Pendant ce temps, l’autochtone rigole. Du fond de son jardin, il se dit qu’ils feraient mieux de les laisser tranquilles, ces montagnes. Et puisqu’elles grandissent encore, qu’on les laisse terminer leur croissance ! Un jour ou l’autre, ces montagnes seront à maturité, des êtres adultes. Mais comme ce jour-là n’est pas encore arrivé, comme le rappellent les fréquentes secousses sismiques, qu’on laisse donc des montagnes en paix.
Laurent