L’économie mondialisée est un phénomène particulièrement perceptible dans nos assiettes. C’est du moins la thèse de Christian Grataloup, qui mêle habilement deux disciplines, l’histoire et la géographie, dans « Le monde dans nos tasses« . Ainsi, depuis environ trois siècles, c’est une série d’échanges économiques mondialisés, autour du chocolat, du thé et du café notamment, qui égayent chaque matin les tables de centaines de millions de foyers. Partout dans le monde, ou presque.
En toile de fond, on retrouve l’histoire peu glorieuse du commerce triangulaire et de l’esclavage. Au démarrage de cette aventure du petit déjeuner, un marché de niche, celui de l’aristocratie européenne. Car c’est bien là qu’a commencé la grande aventure du chocolat, cette « nourriture des Dieux » (théobromine, le principe actif du cacao) dans la haute société. Le petit déjeuner moderne, avant sa démocratisation, était réservé aux classes les plus aisées. Qu’il s’agisse du sucre, du chocolat, du thé ou du café, substances importés au coût prohibitif pour le reste de la population.
Avant que ne se généralise le rituel du petit déjeuner, dans les campagnes ou dans les villes, on se contentait bien souvent d’ingurgiter les restes de la veille (plutôt salés). Mais surtout, en guise de boisson, on avalait de la soupe dès le matin. Les boissons tropicales que sont le chocolat, le thé ou le café n’arriveront sur nos tables que bien plus tard. En France, le petit déjeuner a bien failli s’appeler « le chocolat », tant cette boisson a été adorée par la noblesse, notamment du temps du Louis XV et son épouse, Marie Leszczynska. On allait « prendre le chocolat », le matin, au château…
Pour accompagner la boisson de son choix, rien de tel que du pain et des croissants. Il est fréquent d’attribuer l’invention des croissants aux pâtissiers viennois. Une gourmande invention, pied-de-nez aux troupes turques (le fameux croissant oriental), faisant suite au siège de la capitale de l’empire Austro-hongrois en 1683. Et pourtant le croissant, en Europe de l’Est en particulier, serait plus ancien – quoique non préparé à base de pâte feuilletée, et pas forcément sucré comme on le connaît de nos jours.
Quant au pain de nos chères tartines, on comprend aisément que la baguette soit préférée au gros pain rond de jadis. La baguette est plus facile à tremper dans la boisson de notre choix. D’après certains historiens, on devrait l’essor de la baguette au baron Haussmann, voulant par décret limiter le travail nocturne des boulangers.
Bon appétit !
Laurent