L’autre, celui qui nous fait face mais n’est pas tout à fait comme nous, fait peur. L’autre, celui qu’on côtoie sans vraiment connaître, a toujours été un peu suspect. La peur de l’inconnu, de tout ce qui est extérieur à nous et à notre cercle restreint, peut rapidement nous figer, mentalement et physiquement. L’insécurité et l’incertitude s’entremêlent et nous privent de bon sens et de retenue. Comme à chaque choc (cf. La stratégie du choc, de Naomi Klein), la société est dissoute, électrocutée, polarisée. Puis un front uni émerge et semble l’emporter sur tout le reste. L’heure n’est plus aux hésitations et aux débats, seule l’action compte. Les hommes, n’ayant rien vu venir, agissent en mode panique.
Le confinement puis les nouvelles mesures de distanciation nous ont fait basculer dans un scénario nouveau, invraisemblable un an plus tôt. Tel humoriste disait ironiquement que peut-être que la prochaine étape sera l’obligation de porter un scaphandre ou une combinaison blanche, tous, dans la rue. Le changement est devenu no limit. Le bal masqué s’invite partout, y compris sur le Tour de France ! Qui l’eût cru ?
Il faut alors faire taire les dissidents, les esprits chagrinés par la nostalgie. Car il est urgent d’avancer et de redémarrer le moteur de l’économie et de réanimer la société. Et peu importe, au fond, si d’autres périls sanitaires sont bien plus destructeurs en souffrances et en vies, du diabète à l’obésité, des écrans qui rendent idiot aux cancers à tous les étages du corps humain. Peu importe la monstrueuse statistique des autres pandémies !
L’automne est la saison des marrons, mais à chaque saison ses « marronniers », joujoux préférés des professionnels des médias. Si l’épidémie du Covid-19 n’est pas pire que d’autres fléaux récurrents, elle semble tout de même faire de la résistance, et s’acharne à tenir la dragée haute face aux autres grands titres des journaux.
Alors qu’est-ce qui saura faire vaciller le Covid-19, non dans sa réalité statistique (c’est peut-être déjà le cas depuis longtemps, allez savoir) mais dans son écho médiatique ? Qu’est-ce qui soudainement ravivera d’autres peurs anciennes, tombées un temps dans l’oubli collectif ?
Laurent