Etrange créature, la Main Invisible inventée par le moralisateur Adam Smith. Certains disent pouvoir convoquer le divin, mais on ne peut convoquer le marché. Il ne vient pas aux rendez-vous qu’on lui donne. Il nous tourne le dos, se cache et s’enfuit comme un voleur. Le bougre !
Le marché réel et physique – comme à l’époque des marchands médiévaux (et sa grand’place, « rynek » en Pologne, ринок « rynok » en Ukraine) – a grossi et s’est transformé. Si Adam voyait ça !! Le marché s’est développé de manière systématique et ordonnée, avec le soutien de grands penseurs héritiers du siècle des Lumières et l’expansion démographique. Le marché a été conceptualisé pour s’élever au rang de réalité abstraite. Finalement, de nos jours, tenant hors de portée tous ses rivaux autoritaires et planificateurs, le marché et sa loi sont devenus un dogme omnipotent.
Voici donc le marché abstrait, curieusement diffus, quasi-invisible à Monsieur Toulemonde. Mais ses effets, eux, sont visibles, palpables même. Qu’il s’agisse du bien-être dont il nous abreuve jour après jour ou bien des dégâts qu’il peut causer à l’homme ou à ce qui l’entoure.
Le marché est en nous, avec nous. Il nous accompagne tout au long de la vie. Il existe un marché de la naissance (listes de naissance, boutiques spécialisées, etc.) jusqu’au marché funéraire. Sans oublier le marché de l’au-delà, marché très concurrentiel et créatif !
Le marché est un peu comme un poisson qui glisserait entre nos mains (pas invisibles, celles-là).
Il est complexe pour le commun des mortels, et même pour le politique. Quand nous voulons le retenir pour le « réguler », il échappe à nos injonctions. Nous pouvons nous fâcher, lui crier dessus, c’est peine perdue. Il n’en fait qu’à sa tête. Au fond, il est resté au stade de l’adolescence. Il n’a que peu évolué malgré toutes ses déclarations d’intention. Comme Georges (Marchais), il est parfois peureux, quand on le cherche il apparaît même sous un nouveau visage, celui de la paranoia. Il sait bien jouer les victimes et faire du chantage. Un jour le marché nous dit : « si vous ne me cédez pas, vous allez voir ce qu’il va se passer, vous allez le regretter toute votre vie ! » En grand ado, le marché n’a pas totalement fini sa mue, il est en pleine crise identitaire notamment depuis sa dernière poussée d’acnée, dont tout le monde se souvient…c’était en 2008.
C’était il y a cinq ans déjà. Bon anniversaire… Non, arrêtez, il est sensible, c’est hormonal. Le docteur avait prescrit (pour ce que le marché écoute les médecins…) un traitement superficiel et homéopathique. Homeo + pathos = soigner le mal par le mal. Mais erreur de diagnostic, mince ! la cause de ses maux serait plus profonde.
Le marché a besoin de repos et besoin qu’on l’aime, c’est bien de son âge. Mais il faut le convaincre d’ouvrir les yeux pour grandir dans sa tête. Difficile quand on est une création abstraite et collective.
Ne donnons pas à manger au marché pour qu’il « reparte comme en 40 ». Inutile d’espérer ainsi faire son bonheur !! Au lieu de lui donner du poisson, apprenons-lui à pêcher, mais à le faire comme un grand, adulte et responsable.
La tâche est ardue. Nous sommes tous les parents du marché ! Cela va demander un effort (mot devenu tabou) collectif. En tant que parents, nous lui avons transmis nos habitudes, nos peurs, nos réticences. Qu’on laisse notre adolescent-de-marché seul, divaguer, et il va encore nous revenir en pleine figure, un jour de fête à la maison, avec ses désirs de tout puissance. Nostalgique de l’enfance, il croit encore pouvoir tout régenter sur terre. S’il n’avait eu comme ambition que d’avoir la mainmise sur l’économie, les échanges commerciaux. Non, il ne manque pas d’ambition ! Il prétend aussi régler ses comptes aux activités humaines parmi les plus nobles, à savoir les Arts et la Science.
Non mais rendez-vous compte : le fiston il veut les embrouiller, les transformer à sa guise. Il voudrait aussi nous embrouiller. Qu’il essaye ! Revenons à l’essentiel. Apprenons-lui le respect et l’humilité.
Ce sera pour son bien et le notre aussi ! Alors, marché conclu ?
Laurent
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