Jacobinisme chronique. On ne change pas une équipe qui… perd ?

Jacobins

La France est vraiment un pays atypique. Son hymne national guerrier. Sa cuisine et ses vins so…french. Sa vision bipolaire de la politique. Sa lutte des classes. Ses coups de gueule diplomatiques. Ses love affairs dans les chambres d’hôtels de Lille ou New York, etc.

Et ce penchant pour l’assistanat mêlé de cette confiance aveugle de ses concitoyens en l’Etat ! Et de préférence un Etat centralisé. Avec son lot de bureaucratie et de technocrates. Pourtant le projet de la décentralisation ne date pas d’hier. Oui, le projet. Mais la France est un vieil état-nation. Vieilles habitudes…
La France n’a pas été fragmentée comme l’Allemagne (traitement de choc d’après-guerre, humiliation qui semble plutôt l’avoir renforcée) ou comme l’Italie avant son unification. Chez nous, Paris remporte la palme de la concentration des pouvoirs politiques, économiques, culturels, médiatiques. Et le tout à huis assez clos (cumul des mandats, pantouflage) qui finit par manquer d’oxygène. Alors oui, on peut retrouver à l’étranger une telle polarisation des pouvoirs, par exemple à Londres ou encore à… Moscou !

La Pologne est un autre pays plutôt jacobin, qui s’est d’ailleurs beaucoup inspiré de la France au plan institutionnel. Mais la comparaison s’arrête là : l’histoire a gâté la France et non la Pologne, qui fonctionne davantage en mode « survie » (système D, réformes à la hâche, multiactivités) et a rayé de sa carte le socialisme (pour le meilleur et pour le pire). Les polonais n’attendent plus grand chose de leur état central !

En France, la confiance aveugle en l’Etat-Providence et dans le pouvoir central est un véritable poison.
En effet, elle freine la prise de risque et tend à minimiser l’action citoyenne locale. Là où tout le monde s’accorde pour sonner le glas du « top-down » et mettre en avant le pouvoir local et l’intelligence collective. Mais il serait réducteur de croire que toute la faute incombe, en France, à la sphère publique. D’abord parce que, ironie du sort en mode démocratique, « l’Etat c’est Nous » ! Et qu’au fond c’est tout un état d’esprit qui reste collé aux baskets de la société civile. Assistanat, sous-syndicalisation, faible dialogue social, rêve égalitaire, réticences à valoriser les cultures régionales ou locales. Nous continuons de payer le prix de cette centralisation. Joli gâchis. Douce France !

Et puis, comme au temps du Roi Soleil, nous admirons toujours ce qui est grand, majestueux. Cela nous rassure. Tout comme ce qui relève du prestige national : les grands noms, les grandes marques.
Et nous dénigrons encore trop le reste. Small isn’t beautiful in France. Not yet ?

Dès l’entrée dans l’âge adulte, miroite la lumière aveuglante du corps des Grandes Ecoles, spécificité bien française. Puis, estampillé jeune diplômé, voilà la belle promesse de la Grande Entreprise, si possible labellisée CAC 40. Son siège sera parisien (enfin, francilien !) On maintiendra pour l’apparat une belle adresse, près des Champs Elysées.

Plus grave et sournoise est la culture des relations interentreprises et une pratique de la sous-traitance « à la française » où le rapport de force domine les débats. Les grandes entreprises jouent nettement moins le jeu de la coopération et de la préférence nationale que ne le font leurs consœurs germaniques. Pratique assez détestable à l’issue trop souvent « gagnant-perdant« . Résultat, des PME à la fragilité chronique (trésorerie tendue et marges faibles). Résultat aussi – il serait inexact de mettre ceci exclusivement sur le compte de l’Etat – le bilan désastreux de la création d’emplois, le manque d’ETI*, le déficit du commerce extérieur. Mais on espère encore la signature de la vente de telle centrale nucléaire ou de tel avion de combat à l’export pour nous sauver la face. Sans oublier que parmi ces grandes entreprises nous avons, autre spécialité française, d’énormes établissements bancaires qui se tiennent par la barbichette au détriment des clients créateurs d’entreprises (et donc d’emplois).

La peur du risque nous tenaille. Les grandes banques sont très réticentes à prêter aux créateurs d’entreprises, en particulier lorsqu’il s’agit de produire en France et donc de créer des emplois. Cherchez l’erreur… La prise de risque et son corollaire le droit à l’erreur restent culturellement dévalorisés en France. La préférence naturelle pour les grandes entreprises finit par décourager et incite les entrepreneurs à aller voir ailleurs. Seuls 4% des jeunes ingénieurs se lancent dans l’entrepreneuriat contre 20 à 25% en Allemagne ou en Italie !

Bien sûr des initiatives existent sur le terrain, mais peu médiatisées. Avec du retard, les business angels à la française progressent. Même les Grandes Ecoles s’y mettent (Badge : Business Angels Des Grandes Ecoles).
Les IUT, village gaulois de l’enseignement supérieur et spécificité française, ont dès leur création il y a un demi-siècle évolué en bonne intelligence avec le tissu économique local, sans tout attendre du Ministère parisien. Ils valorisent les projets, stimulent la prise d’initiatives et l’ouverture d’esprit de leurs étudiants.

Alain Minc voit plus loin derrière nous, dans l’Ame des Nations. Il constate sans fatalisme l’existence d’une sorte d’ADN propre à chaque pays. Il nous ramène au temps de la naissance des Etats-Unis d’Amérique, dont l’histoire est indissociable de celle de l’Europe donc de la France, du temps des Pionniers au Plan Marshall. Parce qu’il y a ceux qui sont montés à bord et ceux qui sont restés à quai…

Laurent

* Entreprises de taille intermédiaire (de 250 à 4999 salariés d’après l’INSEE) indispensables tant du côté de l’emploi que de la compétitivité à l’international

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