Comme tout s’éclaircit lorsqu’on fait un petit effort de prise de recul. Rien de très sorcier. Ainsi depuis un an, deux au maximum, les médias cherchent à nous refaire le « coup » de l’an 2000. Non pas la sordide histoire d’un méga-bug informatique, mais rappelez-vous de la science-fiction qui nous faisait rêver, tous au volant ou « au manche » (à balais) d’une voiture volante ! Après les lunettes de Sergey Brin, et dans le sillage de la montre intelligente qui nous met le monde à portée de poignet… voici la voiture intelligente. Rêve ou cauchemard ? Promesse d’un progrès réel ou chant du cygne d’une industrie automobile qui tourne en rond ?
La voiture volante nous avait bien posé un lapin ! Pourtant, nous n’avons guère entendu les augures techno-optimistes faire leur mea culpa pour excès d’imagination…ou d’optimisme ! Voilà que des États-Unis (GM, Google, etc.) au Japon (Nissan) en passant par l’Europe, l’industrie automobile moribonde cherchait à se refaire une santé à coup de voitures intelligentes. Puisqu’on n’a toujours pas éradiqué la bête sauvage qui prend le dessus de bien des automobilistes, poursuivons son contrôle électronique. Comme les bons vieux radars et autres dos d’ânes, ABS et ESP ne peuvent pas tout faire, il suffisait d’y penser ! On va intensifier le contrôle électronique de chaque véhicule et de son conducteur. Ne bougez plus… on s’occupe de tout ! Et tant pis pour le plaisir de conduire tant vanté par une célèbre firme bavaroise aux grosses cylindrées sportives.
Bienvenue à la technologie V2V (vehicle to vehicle). La NHTSA, administration américaine en charge de la sécurité routière, voit en cette technologie la panacée en matière de réduction des accidents, d’économies de carburant et de lutte contre la congestion routière. Les arguments pleuvent, mais où sont les preuves ? Principe européen de précaution oblige ! Encore une arlésienne, après le mythe des voitures volantes ou l’illusion mort-née des voitures « zéro pollution » ?
Certes, un progrès sensible peut être réalisé avec ces nouvelles technologies. Mais au fond les changements les plus efficaces (en termes tant de réduction des consommations d’énergie, des rejets polluants, de baisse des embouteillages) se situent davantage au niveau des comportements de chacun de nous ! L’infrastructure n’arrive pas à suivre la progression du parc roulant, alors ne comptons pas trop dessus pour demain, en période de restrictions budgétaires. Alors c’est en alternant la politique de la carotte (incitations à modifier son comportement en matière de mobilité) et du bâton (taxation, limitations, quotas) que l’on finira par faire changer les automobilistes au comportement moutonnier. Regardons les vrais enjeux en face, avant de craquer pour telle ou telle trouvaille. Il suffit d’un tout petit effort, comme de troquer sa voiture, ne serait-ce qu’une fois, pour un « petit tour » en ville, à pied, à vélo ou en bus. Et se retourner sur tous ces automobilistes, le plus souvent seuls au volant ! Souvent désoeuvrés et impatients d’arriver… Quel beau gâchis.
Alors arrêtons de nous leurrer, et faisons vite le deuil du temps d’avant, de l’âge d’or du « tout auto ». Arrêtons de nous leurrer en rejetant chaque fois notre responsabilité, nos problèmes et leur résolution du côté de la techno-science. Nietzsche parle de « la mort de Dieu », du dieu qui limitait jadis l’action humaine. Le trône resté vide a été remplacé par la science… pas toujours consciente ! Exigeons plus de raison dans cette nouvelle vague irrationnelle de produits toujours plus inutiles. Des compensations sur les transports en commun, le développement du télétravail, des véhicules éco-conçus version économie circulaire. Bref ne retombons pas dans la paresse intellectuelle des « solutions uniques ». Que de changements et d’efforts devant nous tous…
Grandissons et apprenons à sortir de cette crise d’adolescence attardée dans laquelle nous nous complaisions. Car nous savions bien, face à la redécouverte de la « finitude » du monde, que cela ne durerait pas ! C’est le prix à payer pour que nos enfants puissent un jour vivre mieux en ville que nous-mêmes. Dans un environnement assaini au plan atmosphérique et sonore, en meilleure santé physiquement et moralement. Est-ce vraiment de la science-fiction ??
Laurent
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