Progrès : voici un terme utilisé à tout va. Par les publicitaires, les politiciens ou les rêveurs. Les économistes, adorateurs du progrès technique et des gains de productivité, en usent et en abusent. Les économistes sont, sauf exception, aveuglés par la performance pure, à croire que l’homme ne serait plus qu’une espèce de robot à la réalité toujours augmentable. Les médecins quant à eux hésitent entre deux visions du progrès. D’abord une vision curative du progrès (coeur artificiel, médicaments de plus en plus efficaces et précis, aux effets secondaires limités). C’est la plus juteuse, commercialement parlant ! Ensuite une vision préventive, basée sur une certaine sagesse partagée : progrès des connaissances et amélioration de nos modes de vie, en prévention des maladies cardio-vasculaires, des cancers et de si nombreuses maladies chroniques. Mais chez certains, il y aura toujours cette tentation d’espérer le progrès « ultime », la vie quasi-éternelle. Des rêveurs, vous dis-je ! A moins que ce ne soit un cauchemard…
Il faut l’admettre. Depuis les Lumières et Descartes notamment, l’homme moderne s’est petit à petit enfermé dans une vision d’espèce dominante, faisant à peu près ce qu’elle veut de la nature. Comme dans le cochon, tout est bon dans le progrès ! C’est du moins ce que nous nous sommes efforcés de croire. Et de faire croire aux générations suivantes, par atavisme. Pourtant Rousseau nous avait déjà alerté sur l’illusion du progrès « net », relayé à sa façon par Lavoisier : « rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme ». Ce que le progrès nous fait gagner d’un côté, on le perdrait de l’autre… L’infini n’est pas de ce monde. Quelle terrifiante découverte !
Alors, ce progrès, aujourd’hui ? Demandez à un Chinois ou à tel autre « émergent » ! L’habitant d’une ville côtière peuplée par millions mettra-t-il en avant la consommation et la possession ? Progresser, est-ce encore en avoir plus, toujours plus ? Gagner du temps et du confort, mais pour faire quoi ? Attention au fameux effet rebond ! Pour certains, oui, encore et toujours plus. Mais il ne faut pas se tromper d’époque ou de lieu. Allez plus à l’intérieur des terres, en zone rurale, là où plane cette espérance miraculeuse du « mirage urbain ». Effectivement, c’est l’accès à une plus grande quantité de biens, via l’élévation des revenus, qui arrivera en tête de liste. Avec cette envie de mieux vivre et, au passage, accéder enfin à un meilleur logement. Sans oublier le confort automobile… Mais une fois urbanisé, quel progrès souhaiter ? Trouver ou retrouver l’air pur ou, du moins, respirable sans craintes pour la santé. Avoir accès à une alimentation saine, après tous les scandales, les affaires de santé publique. S’assurer de la qualité de l’eau également. Ce sont souvent des choses apparemment banales pour nous, et pourtant ! D’où l’optimisme du français Gerry Boyer, fondateur de Sky Stream, qui crée de l’eau pure à partir… d’air ! Certains osent même rêver de villes plus douces, silencieuses, vertes, bref durables…
Et si, la boucle étant bouclée, le progrès c’était cela : le retour aux sources, à l’essentiel ? Mais le progrès reste très subjectif, et en cela il peut créer des crispations, des malentendus entre les pays et à l’intérieur de chaque pays. Progrès et gouvernance mondiale : tout un programme ! Nous sommes tous épris de progrès, d’amélioration de nos vies. Qu’on vive au Bhoutan, pays du BIB, en France ou en Chine ! Nous sommes tous partagés entre progrès matériel et immatériel. La gestion de nos priorités mérite réflexion, à l’heure de la mondialisation et dès lors qu’on s’ouvre sincèrement à d’autres cultures, d’autres visions de la vie que la notre.