Le monde a-t-il un sens ? selon Jean-Marie Pelt et Pierre Rabhi

Il y a des hommes qu’il faut avoir entendu dans sa vie, au moins une fois. Parce qu’ils nous bousculent, nous font grandir, ou tout simplement réfléchir.

Jean-Marie Pelt et Pierre Rabhi sont deux sages de notre début de siècle, qui se cachent, l’un sous l’habit d’un botaniste-écologue et le second, sous l’habit d’un philosophe, agriculteur biologiste et poète.

Vous avez peut-être lu le dernier livre, qu’ils ont écrit ensemble : Le monde a-t-il un sens ?

le monde a-t-il un sensAssister à la conférence qu’ils donnaient à Bourg les Valence, la semaine dernière, nous paraissait donc une évidence à Laurent et moi. Un peu comme boire à la source de l’humanisme ou s’approcher d’une forme de conscience éclairée. Cette conscience que nous recherchons dans les pages de ce site. Nous avions donc envie de vous retranscrire quelques échantillons de cette parole. L’article qui suit est tiré de cette soirée.

« Je ne suis pas un sage »  – Pierre Rabhi

Pourtant, l’ascèse dont il nous montre patiemment les bienfaits, confine bien à une forme de sagesse, que nous aimerions conserver en nous et cultiver.

A l’échelle de vie de la planète, les hommes ne sont présents que depuis à peine 1 ou 2 minutes, mais ont déclenché une pagaille indescriptible, au nom de la technologie et du progrès.

Mais la technologie, nous dit Pierre Rabhi, n’est qu’une forme de compétence, pas d’intelligence. Nous avons trop souvent tendance à confondre les deux. Depuis le « pétrolithique », nous avons chamboulé la nature et les relations humaines. Des conflits basés sur la matérialité (nourriture, frontières…), nous sommes passés aux conflits sur des abstractions (croyances, religions…) tout en continuant de détruire notre environnement.

AVT_Jean-Marie-Pelt_6073Mais pourquoi l’Homme s’agite-t-il autant, quitte à provoquer autant de dégâts naturels, matériels ou moraux ?

Parce qu’il sait qu’il va mourir… De cette peur majeure découlent les plus grands désastres. C’est ainsi que toutes les grandes civilisations se sont construites sur la destruction de la nature. L’Homme est passé du simple « prélèvement » de ses aliments, au temps de la Préhistoire, à la culture et l’élevage de masse.

C’est grâce à ce nouveau paradigme (produire et stocker la nourriture) que les grandes conquêtes de Jules César ont été rendues possibles ; des charrettes de blé suivant les armées dans toute l’Europe. Repousser toujours les frontières est devenu un idéal pour l’Homme.

L’humanité est désormais en confrontation permanente au lieu d’être dans la solidarité.

Notre capacité à survivre est en train de disparaître. La modernité a éloigné l’Homme des réalités vivantes.

Voilà pourquoi, selon nos conférenciers, nous serions aujourd’hui dans l’angoisse… pris dans la dictature de l’argent et du temps.

Le temps ayant même pour obligation de produire de l’argent, nous voilà propulsés dans une époque de vitesse et de frénésie qui nous rend exsangues.

Pour Pierre Rabhi, la misère intérieure des hommes est aujourd’hui inversement proportionnelle à la richesse.

Il n’est que de voir la gaieté au sein des tribus primitives encore intactes à de rares endroits du globe.

Pierre-Rabhi

Pourtant, la Nature s’est faite belle pour être admirée, mais nous ne prenons plus le temps d’être dans l’émerveillement. Les enfants naissent aujourd’hui avec une dette fiscale et écologique majeure. Ils ont également sur leurs épaules la perte de la biodiversité (60 % des semences connues ont été détruites sur la deuxième moitié du XXème siècle) et le réchauffement climatique, qui menacera bientôt les grands équilibres de la planète.

Nous courons de façon échevelée après la fameuse « croissance », qui nous avait si bien « réussi », mais qui ne reviendra plus de la manière dont on l’a connue. Aucune courbe ne monte indéfiniment dans la nature, nous apprend Jean-Marie Pelt. La régulation naturelle intervient, mieux que n’importe quel gouvernement, pour rétablir les grands équilibres dans notre environnement.

La vraie question à soulever par nos politiques n’est pas comment rétablir la croissance, mais plutôt comment maintenir une activité raisonnable sans croissance ?

Le modèle de Darwin, basé sur la compétition naturelle entre espèces, a fini par occulter la solidarité qui existe aussi entre les animaux. Seule la compétition a subsisté. L’idée de coopération dans la nature a disparu.

Pourtant, nous dit Jean-Marie Pelt, il n’est que de voir la coopération des filaments de champignons microscopiques accrochés aux racines des plantes, l’un et l’autre se fournissant, qui de l’eau et du phosphate, qui des sucres, ou bien des acacias qui se préviennent, via la sécrétion de tanin, de leur destruction par les antilopes, pour comprendre l’idée de la symbiose.

L’Homme doit retrouver la symbiose avec la nature, au lieu de vouloir la maîtriser.

Pessimisme ? Effectivement, le bilan n’est pas très joyeux.

Mais la société civile est en train de se réveiller contre le diktat de l’argent, de la frénésie et de l’appropriation, de manière générale, en devenant chaque jour plus utopiste.

L’utopie n’est pas une chimère. C’est ce qui n’existe pas encore.

De plus en plus de personnes prennent conscience qu’il faut changer de paradigme, pour revenir à une solidarité avec notre milieu naturel.

Le sacré, la bonté, la beauté, la générosité, toutes ces valeurs, nous rappelle Jean-Marie Pelt, sont bien peu présentes à la télévision…

Il faut arrêter d’éduquer les enfants sur la compétitivité. Ils sont peut-être adaptés au système, grâce à cela, mais ils ne sont pas épanouis. On les met sur des écrans, avant qu’ils aient des expériences tangibles de la vie. Avant qu’ils puissent comprendre la place des mains et de l’esprit.

Voltaire le disait déjà : Il faut cultiver notre jardin.

Même les religions n’ont pas su nous faire réfléchir à notre posture sur la Terre. Le Pape devrait s’insurger en répétant « On ne profane pas l’oeuvre de Dieu. »

Les questions à se poser sont :

Avons-nous besoin de la Nature ? La réponse est oui.

La Nature a-t-elle besoin de nous ? La réponse est non.

Alors, redevenons plus humbles, plus à l’écoute des éléments et ne cherchons que la beauté, l’émerveillement.

C’est ce que nous rappelle Jean-Marie Pelt, avec une ultime citation, en guise d’au revoir :

« L’amour meut la Terre, le Soleil et les Etoiles » – Dante Alighieri

Retrouvez les auteurs en lisant Le monde a-t-il un sens ? Ou sur l’émission de France Inter qui leur est consacrée.

Christèle

5 réflexions sur “Le monde a-t-il un sens ? selon Jean-Marie Pelt et Pierre Rabhi

  1. Bien dit, bien écrit, mais dans ce monde de folie qui saura se lever et surtout mobiliser tous les convaincus de ces arguments/développements; aujourd’hui internet à la fois merveilleux et pire des outils, médias, etc… nous livrent tout et son contraire et à mon sens pas grand chose émerge pour une prise de conscience mondiale, chacun restant dans son pré carré de son esprit centré sur lui-même, de ses d’arrangements, de ses privilèges etc… etc….

    • Vous donnez la réponse sans vous en rendre compte: ceux qui n’ont pas d’arrangements, de privilèges, càd ceux qui sont moins bien nantis et qui n’ont rien à perdre. C’est une catégorie de la population actuellement en croissance.
      Viennent ensuite les jeunes. Il a déjà été scientifiquement observé (communautés de marsupiaux, etc) que pour qu’une société/ un comportement change, il suffit que les jeunes changent. Les personnes de la génération « René/e » -sauf votre respect- changeront difficilement, mais cela ne tient qu’à elles. De toute façon, le monde s’en passera.
      Ce dernier point implique un peu de désobéissance civile, puisque les règles sont établies par les personnes les plus âgées, et ce sont ces règles obsolètes qu’il faut dépasser. Les gens intelligents comprendront qu’il faut humblement donner plus de place et de liberté à ceux qui vont créer le monde de Demain…

  2. Pingback: Dessine-moi une école | light up my mind

  3. A reblogué ceci sur light up my mindet a ajouté:

    En hommage à Jean-Marie Pelt, qui nous a quittés le 23 décembre dernier juste avant ce Noël aux allures printanières, dérèglement climatique oblige. Une pensée pour ce pharmacien, biologiste, botaniste et écologue brillant, qui a œuvré inlassablement pour l’écologie et l’agriculture biologique. Son compagnon, Pierre Rabhi, reste bien seul pour mener à bien le combat qui reste immense. Alors, engageons-nous !

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