Il était une fois la France des Lumières et quelques romantiques aux idéaux révolutionnaires. De leurs utopies et du rejet des abus d’un passé peu glorieux (pour le peuple, du moins !), de l’Inquisition et de la monarchie absolue, était née un élan de confiance fédératrice. La confiance que ce qui rassemble le peuple français allait l’emporter sur ce qui pouvait le diviser. De la déclaration des Droits de l’Homme à la loi de 1905 sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat et la progression du droit des femmes, l’idéal républicain aura marqué une grande partie du XIXème et du XXème siècle. Alors pourquoi tant d’impressions de sauvagerie, voire de barbarie en ce début de XXIème siècle ?
Un élément d’explication peut venir de l’inéluctable montée du communautarisme, et les menaces qu’il fait peser sur une idée bien française, celle de la laïcité.
Avec la laïcité, la République était conçue et acceptée comme une et indivisible. Au contraire, avec le communautarisme la différence serait valorisée, la divisibilité de la Nation est admise et voulue. La différence devenant un droit acquis, le devoir d’unité semble oublié ! De nos jours, question immigration, l’idée d’intégration est revue à la baisse. On ne devrait plus tendre que vers une « inclusion » des nouveaux arrivants dans la société française. L’ordre apparemment « naturel » de l’Etat-Nation lui-même pourrait bien finir par passer à la casserole, pour le plus grand plaisir de certains groupes sociaux, certaines communautés. Alors c’en serait fini de toute défense dudit « intérêt général » ou « intérêt commun » !
La France, à l’instar de bien des pays occidentaux, a subit plusieurs événements assez déstructurants pour la laïcité :
1°) la survivance des relations incestueuses entre le pouvoir politique (pourtant pensé comme temporel, évolutif et séculaire) et le pouvoir religieux (naïvement pensé comme a-politique par certains mais pas du côté du Vatican ou ailleurs !) A l’échelle internationale, on notera le lobbying des religieux de tout bord et leurs intérêts communs sur des questions sociales négociées par exemple à l’ONU. Et localement, on notera la survivance d’états religieux (peu compatibles avec la laïcité) comme les Etats-Unis, Israël, de nombreux états arabes ou encore la Pologne. Et même récemment, ironie du sort, la Russie néo-tsariste !
2°) la perte de l’autorité traditionnelle, celle qui garantissait le respect tant dans la sphère privée et familiale qu’à l’extérieur. Échangée contre la négociation et l’impression de toute-puissance individuelle. Pour le plus grand bonheur des avocats, des psychiatres et des pharmaciens. Dans ces conditions, par affinités des communautés ont pu se construire et se renforcer autour de projets et revendications communes, au point pour certaines de prendre des allures sectaires. Des communautés autant locales que globales, souvent puissantes.
3°) l’héritage de Darwin a presque tout ravagé : le concept biologique de sélection naturelle a été greffé avec succès sur la sphère sociale et la sphère économique. Un étrange darwinisme politique à deux visages antagonistes : capitalisme-libéralisme d’un côté, avec son idéal de marché libre, de concurrence sans fin, son mythe fondateur de la « main invisible » et autres illusions populaires ; et de l’autre d’après Marx une lutte des classes qui allait engager la société vers le précipice. Le conflit économique vanté comme libérateur d’un côté et le conflit social lui aussi promis comme libérateur de l’autre. Belle supercherie mais quels effets sur le moral de la République « une et indivisible » ! Camouflet supplémentaire pour la laïcité version 1905…
4°) le marketing, sentant le vent de la « division des masses » souffler, allait sortir l’arme fatale de la segmentation. Quel curieux parallèle entre communautés religieuses ou sexuelles d’un côté, et segments de marché / groupes de consommateurs de l’autre. Les marchands d’apparence, du textile en passant par la cosmétique ou l’alimentaire, allaient pouvoir se frotter les mains sur ce business communautaire mondialisé ! Les communautés étant par nature évolutives, le filon semble être sans fin. Même le cola ou le burger allaient pouvoir muter à la sauce communautariste ou régionaliste ! Et dire que certains marketeurs amateurs de diversité craignaient que la mondialisation ne rende tous les marchés uniformes, plats, sans relief ! La communication, la mise en avant du paraître allait satisfaire cette soif narcissique à coups de magazines communautaires, de télévisions spécialisées, d’Instagram, de Facebook & Co. Les communautés virtuelles se sentent vraiment comme chez elles. Il ne resterait plus qu’à créer une communauté « Laïcité + » ou « version 2.0 » et la récupération de l’idéal de 1906 serait « in the pocket ». Recyclage garanti !
L’étalage de notre image et de notre vie comble notre peur de la mort et notre vide de l’instant présent. La laïcité risque d’être ringardisée, jugée liberticide par ceux qui n’ont pas compris le piège de la « liberté sans limites ». La république a du mal à se relever, elle qui est pourtant sensée transcender les individus, et préparer la suite du vivre ensemble. Pour mieux mesurer notre glissement, un beau jour on se souvient de la liberté de parole d’il y a 10 ou 20 ans, lorsque dans l’école de la république on pouvait vivre tous ensemble à peu près normalement, sans menaces de mort ni costumes folkloriques (sauf pour la fête de l’école). Un lieu public sans surenchère au droit à la différence (de menu à la cantine, de jours fériés, de tenue vestimentaire particulière, de cours particuliers réservés à telle communauté).
Le communautarisme a bien joué à cache-cache avec notre vigilance, des quartiers défavorisés jusqu’aux plus favorisés. Il peut faire très peur vu de très près comme il peut se faire oublier, tapis dans l’ombre, au loin. Une chose est sûre : la religion a ouvert des brèches et le communautarisme sait très bien se métamorphoser. Si nous recherchons des solutions ou des gardes-fous, nous en trouverons. Mais de nouvelles lois ne suffiront plus. Nous devrons reprendre de vieilles méthodes, avec pédagogie et dans le dialogue !
Effet secondaire du communautarisme ou protection de l’industrie hollywoodienne ? Censure morale ou intolérance à l’humour ou aux idées déviantes ? Ainsi de temps en temps la production audiovisuelle Européenne, notamment française, se fait-elle censurer outre-Atlantique. Comme il nous arrive de « censurer » certains produits ou certaines idées venues de l’autre côté (viande aux hormones, fracking des gaz de schiste…) Le réflexe « NIMBY » (not in my back yard) est en pleine forme à l’heure où certains acteurs économiques voudraient fusionner les deux principaux marchés mondiaux (UE et USA).
http://www.lexpress.fr/culture/cinema/trois-films-francais-qui-ont-choque-les-etats-unis_1610734.html?xtor=EPR-5012-%5B20141015_42_camp_edito_lexpress_trois_films_choque_000SRJ%5D-20141015-%5B__Lire_la_suite__002FNLV%5D-%5BRB2D106H001BGPXZ%5D-20141015040000
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