Elle se prénomme Haute. Un prénom pour une vache, c’est bien un minimum quand on est une Aubrac, descendante de cette noble famille du Massif Central. Car c’est là-haut, sur la route de Laguiole, sur ces plateaux au climat rigoureux, que l’aventure se passe. L’Aubrac n’est certes ni le Tibet ni l’Altiplano des Andes, mais ce coin typique a su rester fidèle à ses origines. Avec Haute, LA star bovine à l’affiche du SIAL édition 2018, pas de confusion possible. Pour les amateurs, on parle bien, en perspective gastronomique, d’une race à viande (pas de spécisme, on avait dit !) Alors rien à voir avec une Abondance – son homologue alpine, star du fromage éponyme ou du reblochon ou le beaufort – ou avec une Prim’Holstein, la reine du rendement lacté !
Si ne c’étaient ses cornes longues et très ouvertes, on la prendrait presque pour une Tarine, autre star photogénique. Ses cornes si largement déployées, est-ce pour mieux élargir son champ d’action ? Ou pour élargir son espace de liberté ? Elle s’en souviendra, Haute, de son passage à la Capitale, au salon de l’Agriculture. Ses propriétaires auront-ils profité du long arpentage présidentiel ? Un record de durée, largement commenté en boucle. Comme quoi on peut être jeune et énarque et s’intéresser à la verte campagne et à son économie !
Économiquement parlant, Haute et ses cousines de l’Aubrac correspondent au mieux à une niche sur le marché de la viande. Dans le domaine laitier c’est à la Prim’Holstein qui détient la première place en France, au point qu’on associe souvent vache à lait et robe noir et blanche. Dans le domaine carné, ce sont la Charolaise et la Limousine qui demeurent sur les deux première marches du podium. Question de morphologie, de rendement (donc de coûts de production) et de terroir (superficies exploitées, conditions climatiques, logistiques, etc.)
Mais que ce soit à Paris ou ailleurs, au SIAL, ou sur les étals des marchés et des bouchers les plus exigeants, l’Aubrac reste et restera une star. Et dans son sillage, n’oublions pas sa presque voisine Salers, au poil si particulier, et si farouche, difficile à approcher pour le néophyte. Ensuite, pour les amateurs inconditionnels (quand on aime, on ne compte pas), depuis quelques années ce sont d’autres races, encore plus « select » et souvent plus exotiques, qui ont fait une percée.
On pense à la so british Angus (non, elle ne chante pas !) qui nous vient d’Écosse ou encore à la Wagyu, originaire de Kobé, au Japon. Mais arrêtons-là cet inventaire à la Prévert, qui pourrait être pris pour une campagne en faveur de la viande de qualité ! Qu’en diraient leurs propriétaires, les éleveurs ? Certes il y a bien quelques privilégiés, qui arrivent à s’accrocher à une filière courte (signe de respect de la qualité et de profit mieux distribué) et visent une clientèle à haut pouvoir d’achat. Rêve inaccessible ?
Mais la plupart des éleveurs, eux, souffrent plutôt le martyre. Coincés entre assistanat à la mode PAC (politique agricole commune), manque de reconnaissance – qui se traduit, parfois, par l’atteinte à leur propre vie, et souvent par une existence assez dépressive, et sans oublier le laminage économique – de la grande distribution, d’une part, et des fournisseurs d’entrants, d’autre part.
Laurent