Existe-t-il en Europe de pays autant fui, si longtemps dénigré et aussi mal aimé que la Pologne ?
Bien sûr l’Italie a connu une émigration importante, l’Espagne aussi (et l’histoire se répète parfois).
Mais là nous sommes en présence d’un vrai cas d’espèce !

Ce pays est souvent méconnu, on a du mal à le situer précisément au plan géographique et climatique. Ou alors ce ne sont que clichés et autres stéréotypes peu reluisants, à l’exception notable de la gent féminine indigène et de la vodka avec ou sans herbe de bison. Cet état de fait résulte de la disparition historique de feu Polonia (rayée de la carte d’Europe au XIXème siècle après la terrible chute Napoléonienne) et de sa position géostratégique inconfortable entre l’Allemagne alias la grande Prusse, l’Empire Austro-Hongrois, le Saint Empire Romain-Germanique… n’en jetez plus… et la Grande Russie, sa grande cousine qui ne lui veut pas que du bien. Sans oublier l’invasion suédoise et aussi ottomane. La Pologne, une vraie tête-à-claques ?

Pays du twarog, Polska n’en est pas moins un vrai gruyère. Un pays troué, qui fuit de ses habitants depuis si longtemps, au point de former une incroyable diaspora. L’une des plus importantes au monde, relativement au nombre d’autochtones. Chicago first, et son million de polonais de 1ère, 2ème, 3ème génération. Londres, où le polonais serait la deuxième langue actuellement parlée ! No doubt in East London. Sans oublier le Nord Pas-de-Calais et ses corons d’origine silésienne. Aussi la Suède et dernièrement la Norvège, nouvel Eldorado…

Les polonais affichent un appétit pour l’accession au confort matériel qu’on ne saurait leur reprocher, nous autres héritiers du Plan Marshall et des 30 Glorieuses. Alors système D oblige, tous les moyens d’y arriver sont bons. Mais quand même !

La Pologne fait partie des rares pays membres de l’UE a avoir connu une croissance économique soutenue depuis de nombreuses années, alors que l’Ouest stagnait (et ne parlons pas d’aujourd’hui). C’est le seul pays d’Europe a ne pas s’être crashé dans les années 2008-2009 lors de la dernière crise économico-financière.

La Pologne est un pays dynamique, peu endetté au regard de ses gourmands voisins. Un pays porté par un élan vital depuis la fin du communisme, depuis l’avènement d’une nouvelle génération libre et diplômée.

La Pologne est un pays de débrouille, pas un pays qui se repose sur ses lauriers ! Elle n’en a pas ! C’est aussi un pays, comme tant d’autres, où se creuse un large fossé social, à l’américaine ! Où la structure familiale reste une nécessité et a du sens. Un pays encore un peu hésitant entre la tradition, religieuse notamment, et la modernité.

Mais alors que tant d’étrangers continuent d’arriver (français, espagnols, italiens, anglais…) comment se fait-il que rien n’arrête la fuite des polonais ? Il y a un mouvement de retour, des déçus de l’Occident ou des nostalgiques de la famille réunie. Les écarts de salaires, malgré le surcoût de la vie à l’Ouest, demeurent un miroir aux alouettes. Car en réalité rares sont ceux qui décrocheront le job stable et bien payé. La plupart se verront proposer des petits boulots ou des travaux manuels que les locaux ne veulent plus réaliser. Certes il n’y a pas de sot métier ! Mais les nouveaux migrants sont-prêts à sacrifier leurs années d’études ? Car il faut oublier le stéréotype un tantinet réducteur et gratuit du « plombier polonais ».

Pendant ce temps-là, la marée délocalisatrice continue de profiter à la Pologne.  Cracovie et Wroclaw en tête.
A Wroclaw, après Google, IBM, HP, Volvo, c’est le Crédit Suisse qui fait sauter la banque de l’emploi local, en rapatriant du « back office » provenant d’Angleterre ou de Singapour. Des dizaines d’open spaces dans lesquels se ruent par milliers les jeunes diplômés locaux.

Laurent

 http://en.wikipedia.org/wiki/Polish_diaspora